«Imaginons d’autres manières de mieux utiliser la route», Interview d’Eva Sas du 28 juin 2013
Après huit mois de travail, la commission Mobilité 21, présidée pa Philippe Duron, député et maire de Caen (Calvados), a remis ce jeudi les conclusions de son rapport au ministre des Transports, Frédéric Cuvillier. Elle y préconise le report de plusieurs grands projets, au profit du transport local.
Lors de la remise du texte, Philippe Duron a assuré que le Schéma national des infrastructures de transports (Snit) était « l’espoir poussé jusqu’à l’illusion ». Ce plan devait répartir 245 milliards d’euros sur vingt-cinq ans, pour 70 grands projets de transport. Confronté au manque de moyens de l’Etat et à l’endettement de Réseau ferré de France (RFF), le document remis ce jeudi propose de repousser la majorité des projets après 2030. Un report qui ressemble à un enterrement pour les lignes à grande vitesse (LGV). Mais, pour la députée Europe Ecologie – Les Verts (EELV), Eva Sas, également membre de la commission, il y a également là un risque de remettre la route au cœur des priorités.
Terra eco : Le rapport Duron semble mettre un coup de frein au développement de la grande vitesse en France. En quoi est-ce positif ?
Eva Sas : Les travaux de la commission ont été très porteurs et il y a des conclusions que tous les membres partagent : le report de projets de LGV au profit de l’existant, la poursuite de l’effort de l’Etat en matière de transports publics, mais aussi le développement de véloroutes avec 5 à 7 millions d’euros d’investissement par an. Enfin, on reconnaît l’importance du cyclable ! On reçoit d’ailleurs des retours très favorables quant aux conclusions de ce rapport. C’est positif, car on allait dans le mur avec les quatre LGV lancées presque en même temps ces dernières années. On ne peut plus lancer de nouvelle LGV. C’est pourquoi des projets pharaoniques comme le Lyon-Turin ou le canal Seine-Nord, après simulation financière, ne sont pas pris en compte, car ils captent l’ensemble des finances. En l’état actuel, c’est un aveu de recul, car ça ne rentre pas dans le budget de l’Etat. On a été obligé de les exclure car sinon, on ne pouvait pas classer les autres.
Pourquoi avez-vous récemment déclaré que « la hiérarchisation des projets retenue ici est en partie incohérente avec les objectifs fixés lors du Grenelle de l’environnement » ?
Dans le deuxième scénario évoqué dans le rapport, de nombreux projets routiers sont proposés. Or, il existe des alternatives possibles et nécessaires à la route. Seule l’A51 n’était pas dans le Snit et a été rajouté, mais on l’a très mal classée. Pour l’A45, c’est choquant, car on crée du report du train vers la route… On devrait chercher l’inverse ! Par rapport au Grenelle de l’environnement, on fait des dérogations locales, on voit ainsi réapparaître des projets routiers qu’on décide de financer, ça appelle à la vigilance. En quelque sorte, on voit ressurgir un discours de réhabilitation de la route, alors que ce qu’il faudrait, c’est imaginer d’autres manières de mieux utiliser la route.
Pourquoi la route revient-elle dans les projets ?
D’une part, parce qu’il y a peu de politiques qui s’intéressent à l’écologie… D’autre part, la route est moins chère et plus simple à financer. Le fait que ce soit moins cher à la construction fait que, bien souvent, les élus locaux sont en faveur des routes, sans se soucier de ce que souhaitent les citoyens, comme pour les LGV d’ailleurs. Ils s’imaginent que la mise en péage est simple. C’est pourquoi nous avons proposé le retour de la vignette pour financer les infrastructures. Il n’y a malheureusement pas de débat national sur le sujet des grandes infrastructures de transport alors que ça concerne tout le monde.