Grand Vaux doit être un quartier prioritaire

 Intervention d’Eva Sas lors du débat le Jeudi 21 mars sur la Polique de la ville :

 » Madame la présidente,

Monsieur le ministre,

Chers collègues,

 

Je voudrais commencer par remercier nos collègues du groupe UDI pour avoir sollicité l’organisation de ce débat essentiel au regard des inégalités territoriales auxquelles notre pays fait face aujourd’hui.

En effet, les habitants des quartiers en difficulté sont les premiers exposés au chômage et aux difficultés économiques et sociales que notre pays traverse. De même, ils sont aussi les premières victimes de la dégradation de la qualité de vie car ces quartiers sont les plus exposés aux diverses pollutions : pollutions de l’air, pollutions sonores, …

Dès lors, la politique de la ville est un élément nécessaire de la lutte contre les stigmatisations, les discriminations et les inégalités dont les habitants de ces quartiers sont victimes.

 

La loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine devait constituer l’acte fondateur du renouveau de la politique de la ville. L’objectif assigné à cette réforme était de réparer les erreurs d’urbanisme commises pendant les « trente glorieuses » pour réduire significativement les écarts de développement qui pénalisent les quartiers dits « prioritaires ». L’ampleur du Programme National de Rénovation Urbaine, piloté par l’ANRU et évalué à 42 milliards d’euros, concrétisait cette ambition. Pour améliorer ce dispositif, des réformes se sont succédées quasiment chaque année depuis dix ans, faisant évoluer profondément les modalités et les objectifs de la politique de la ville.

Malgré cela, dix ans plus tard, le bilan est sans appel : les écarts de développement entre les quartiers prioritaires et les villes avoisinantes ne se sont pas réduits, et, pire, certaines des nombreuses inégalités préexistantes n’ont fait que s’accroitre ! Le dernier rapport de l’Observatoire national des Zones Urbaines Sensibles, remis au Ministre en charge de la  politique de la ville, le 16 novembre 2012, en atteste largement.

Le taux de pauvreté est ainsi passé de 30 % en 2006 à 36 % en 2010 dans les ZUS. La part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté est 3 fois plus élevée dans les ZUS que dans le reste du territoire. Un chiffre inadmissible, comme l’est le taux de chômage qui atteint lui 21% en ZUS, alors qu’il est de 10% hors ZUS, un chiffre déjà trop élevé.

En matière de réussite scolaire, les élèves issus d’établissements en ZUS s’orientent nettement plus fréquemment vers la filière professionnelle, cursus qui semble désormais leur être réservé. Faisant rentrer le quartier dans un cercle vicieux : déqualification, ghettoïsation, …

Le constat est donc peu flatteur et la gestion de la politique de la ville de la dernière décennie, fortement critiquée par la Cour des comptes, ne l’est pas plus : dilution des interventions sur un nombre beaucoup trop important de quartiers, défauts persistants de gouvernance et de coordination, manque d’articulation entre rénovation urbaine et accompagnement social, répartition inadéquate des crédits dédiés à la politique de la ville, trop faible mobilisation des politiques publiques de droit commun.

 

Dès lors, nous ne pouvons nous contenter du statu-quo. Pour nous, l’enjeu n’est pas seulement de penser une politique de réparation pour les quartiers, mais de penser la ville dans sa globalité, de penser une ville durable.

Pour y parvenir, la politique de la ville doit d’abord assurer l’accès aux emplois, aux services publics, aux transports. La sécurité des habitants doit, elle aussi, être assurée parce que la violence et la délinquance touchent particulièrement les plus faibles et les plus vulnérables.

La ville durable telle que nous la souhaitons passe par une ville qui combat les injustices environnementales et assure la mixité sociale. C’est donc une politique de la ville ambitieuse qui doit être menée et qui doit passer par le désenclavement les quartiers populaires et la planification intégrée de l’habitat, des transports, de l’accessibilité aux services, de la lutte contre la précarité énergétique.

Pour nous, il s’agit de faire converger les politiques de droit commun de l’État et des collectivités locales sur les quartiers, en territorialisant une action publique jusqu’ici définie « d’en haut ». Il s’agit notamment de donner priorité à ces quartiers dans les politiques de l’Etat, comme cela a été le cas sur les emplois d’avenir, qui benéficient prioritairement aux quartiers en difficulté. Et nous nous en félicitons.

 

La politique de la ville doit être intégrée dans une politique plus large d’égalité des territoires. Dans cette perspective, nous souhaitons ici réaffirmer notre soutien à la réforme de la « Géographie prioritaire » engagée par le gouvernement.

En effet, les premières orientations données nous semblent aller dans le bon sens.

Nous approuvons la logique de contractualisation par territoires privilégiant l’intercommunalité. Il s’agit, pour nous, de l’échelle pertinente pour penser l’aménagement du territoire. Une échelle qui permettra de désenclaver ces quartiers en les intégrant dans une vision d’ensemble de la ville.

Nous appuyons le recentrage sur un nombre plus resserré de quartiers permettant une concentration des moyens, comme le préconise la Cour des comptes. Sur ce point, Monsieur le ministre, vous avez annoncé que le nombre de quartiers prioritaires passerait de 2500 aujourd’hui à 1000 environ à l’avenir. Cela appelle évidemment la question des critères sur lesquels vous fonderez votre choix de nouveaux ciblages. La part de population à bas revenus sera-t-elle bien évaluée au niveau du quartier, et non ou au niveau de la commune ? Les mesures dont a bénéficié jusque là le quartier seront-elles prises en compte ? Je pense notamment à un quartier que je connais bien, le quartier de Grand Vaux à Savigny-sur-Orge qui n’a malheureusement pas été classé en ZUS et qui n’a donc que très peu bénéficié jusqu’ici des mesures politiques de la ville. Un quartier en difficulté dans une ville au niveau de vie moyen qui pourrait être de ce fait écarté des zones prioritaires alors que ses habitants attendent, aujourd’hui, qu’on leur redonne un avenir. Grand Vaux a besoin, plus que d’autres quartiers, d’un programme de rénovation urbaine, de transports, de commerce et d’emploi, et donc d’être intégré dans les 1000 quartiers prioritaires que vous définirez.

 

D’une manière générale, la politique de la ville doit considérer les habitants des quartiers comme une richesse en mettant les habitants au cœur de la politique de la ville. Concrètement, il s’agit de renforcer leur pouvoir d’agir pour en faire des acteurs de la transformation de leurs quartiers. Ainsi, il faudra soutenir les associations existantes et les habitant-e-s des quartiers, accompagner leurs mobilisations et écouter leurs attentes plutôt que de leur proposer des solutions « clés en main ». La diversité et les solidarités fortes qui unissent les habitants de ces quartiers sont une richesse et un facteur de résilience face aux crises qu’il faut mettre en avant.

 

Cette politique, co-élaborée avec les habitants, doit donner priorité à l’éducation, la formation et l’emploi.

Il faudra faire, de notre point de vue, un effort particulier sur la formation professionnelle par la mise en œuvre de dispositifs adaptés et surtout la création de partenariats avec les entreprises. S’agissant de l’éducation dont dépendra l’emploi de demain, nous soutenons notamment un accroissement significatif du taux d’encadrement scolaire.

 

Pour nous, une véritable solidarité financière entre les territoires riches et pauvres doit être mise en place. La péréquation horizontale entre collectivités doit être renforcée. Elle doit permettre une présence accrue des services publics dans les quartiers populaires.

 

A travers le renouvellement urbain, nous devons repenser l’aménagement et l’organisation des ensembles urbains pour considérer ces quartiers non plus comme « périphériques » mais justement comme des quartiers centraux.

Dans cette optique, la politique des mobilités et des transports doit donner la priorité aux infrastructures telle que de nouvelles lignes vers les centres villes, de meilleures fréquences, ou encore des navettes et taxis collectifs inter-quartiers, ainsi qu’à des politiques de tarification favorables au désenclavement des quartiers.

 

Vous l’aurez compris, en résumé, nous partageons avec vous 4 axes prioritaires en matière de politique de la ville: la concentration des moyens sur un nombre restreint de quartiers, la co-élaboration avec les collectivités et avec les habitants,  la priorité donné à la formation et à l’emploi, et l’intégration dans un schéma global de ville durable.

 

Mais une question reste en suspens, et je conclurai sur ce point, celle des moyens accordés à cette politique de la ville dans la mandature.

 

L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine qui assure le suivi du Programme National pour la Rénovation Urbaine, lancé en 2003, avait pour objectif de rénover 594 quartiers en 10 ans, pour un montant de 42 milliards. Ce programme a pris du retard et les financements manquent.

Monsieur le Ministre, vous avez annoncé que ce programme serait prolongé jusqu’en 2015 et que les financements seraient assurés jusqu’à cette date. Pouvez-vous nous confirmer ces éléments qui permettront de sécuriser la fin des programmes de rénovation urbaine engagés, comme dans le quartier de la Grande Borne à Viry-Châtillon ?

Pouvez-vous, plus largement, nous rassurer sur les moyens qui pourront être consacrés à un nouveau programme de rénovation urbaine et à l’ensemble des mesures de politiques de la ville sur la mandature ? La politique de la ville doit en effet faire partie, à notre sens, des priorités budgétaires de notre majorité.

Je vous remercie. »

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