Loi Sapin 2 : Des avancées, encore timides, contre les lobbys, l’évasion fiscale et la protection des lanceurs d’alerte
Trop longtemps, les pouvoirs publics en France ont laissé à la charge de la société civile, de citoyens engagés et aux médias d’investigation le rôle de vigie dans les pratiques des multinationales et des responsables politiques.
L’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture le jeudi 29 septembre le projet de loi dit SAPIN 2 qui comporte, à l’issue du débat parlementaire, des avancées réelles en matière de lutte contre la corruption, d’encadrement des lobbys, de protection des lanceurs d’alerte et de lutte contre l’évasion fiscale.
Toutefois, malgré ces avancées, elle manque l’occasion d’afficher par les pouvoirs publics un véritable volontarisme sur ces sujets essentiels pour renouer la confiance entre les citoyens et leurs élus.
– Reporting Paradis Fiscaux :
L’Assemblée nationale a manqué une nouvelle occasion d’adopter un véritable reporting public pays par pays pour les multinationales, pièce manquante d’un dispositif complet et efficace de lutte contre l’évasion fiscale en France, malgré la mobilisation des écologistes. Le dispositif défendu par le gouvernement est incomplet : une entreprise n’aura pas à inclure dans son reporting les données des pays où elle ne dispose que d’une seule filiale. Cela revient à cautionner les pratiques de MacDonald’s, qui, grâce à une filiale au Luxembourg, n’a pas payé plus d’un milliard d’impôt entre 2009 et 2013. Eva SAS le regrettait à la tribune en s’interrogeant : « Pourquoi introduire des failles dans lesquelles s’engouffreront les multinationales ? ». Nous pouvons tout de même nous satisfaire de l’adoption de notre amendement permettant de rendre publiques les données des multinationales.
– Protection des lanceurs d’alerte :
Grâce notamment à nos amendements, le texte crée un cadre de protection des lanceurs d’alerte avec des mesures contre l’entrave ou les représailles et des amendements ont été défendus pour que le Défenseur des droits puisse accorder au lanceur d’alerte une aide financière au titre des frais de procédure. Le texte prévoit toutefois une gradation des canaux de signalement de l’alerte. D’abord le déontologue de l’entreprise ou de l’administration concernée, ou à défaut le supérieur hiérarchique, ensuite les interlocuteurs externes notamment la saisine de la justice et en dernier ressort, la divulgation à l’opinion publique.
La France envoie ainsi un signal fort même si la plus grande vigilance est requise au moment où l’UE renforce le secret des affaires. « Nous resterons attentifs au sort de ces citoyens courageux qui luttent pour une plus grande justice et plus de transparence dans l’intérêt de la démocratie » a déclaré Sergio Coronado.
– Encadrement du lobbying :
Le texte va dans le bon sens avec quelques mesures essentielles. La création du répertoire des représentants d’intérêts est un progrès pour tracer les volontés d’influencer la décision publique, et plus particulièrement la construction de la loi. Nous aurions souhaité plus de transparence encore sur les rencontres des lobbyistes, mais l’élargissement du périmètre de ce répertoire à la Présidence de la République et aux membres du Conseil constitutionnel, introduit par le Parlement, constitue une avancée notable. De même, sous notre impulsion, les sanctions prononcées contre des lobbyistes ne respectant pas les nouvelles obligations découlant de la loi seront rendues publiques. Enfin, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), responsable de la tenue du répertoire numérique des représentants d’intérêts, pourra s’auto-saisir pour contrôler l’encadrement du lobbying.
Néanmoins ce texte ne permet pas d’honorer la promesse présidentielle puisque les citoyens ne pourront pas savoir les activités précises intervenues auprès des décideurs publics « pour améliorer, corriger, modifier une réforme »