Portrait d’Eva Sas, Libération du 13 juin 2013, « Eva Sas, éco-logique »
Eva Sas, éco logique
Un budget plus vert ? Il y a quelques jours, Eva Sas était à la tribune de l’Assemblée pour défendre «avec enthousiasme», une résolution pour «une fiscalité écologique ambitieuse» qui se donne pour objectif «de modifier les comportements sans pénaliser les plus faibles». Hier, dans la foulée, elle a plaidé avec la sénatrice PS Laurence Rossignol, pour une «transition de nos modes de production, de consommation et de déplacements». Ce jeudi, le comité pour la fiscalité écologique dont elle fait partie avec une quarantaine d’élus et de représentants des associations, des entreprises et des syndicats, a débattu de ces questions. Faut il introduire une composante carbone dans les taxes sur l’énergie? Réduire l’avantage fiscal du diesel sur l’essence? Le gouvernement devra trancher: «C’est un marqueur important, un signe qu’on attend : si on change l’assiette de fiscalité, c’est qu’on a compris qu’il fallait changer de modèle», espère l’élue.
Sur la fiscalité écolo, comme sur le reste, Eva Sas, 43 ans, veut être «volontariste».«On me dit « pugnace », je ne sais pas comment il faut le prendre», prétend-elle dans un sourire, installée dans son bureau encombré de l’Assemblée nationale.
«On n’est pas dans la résignation»
Comme députée EE-LV, élue dans une circonscription réservée, dans l’Essonne, elle tire sa légitimité de son parti, et de l’accord avec le PS. «On ressent parfois une schizophrénie, il faut être solidaire de la majorité, et en même temps porter ses idées, cela peut être contradictoire…» Par exemple sur le Traité européen ou le crédit d’impôts compétitivité… dont le vote a déchiré la majorité. Ce qui lui vaut d’ailleurs une forme de complicité avec certains socialistes (plutôt situés à la gauche du PS). «Nous sommes une génération de jeunes députés avec l’envie de faire les choses. On n’est pas dans la routine ou la résignation.» Ils sont également en accord sur le non cumul des mandats, la prise en compte de l’écologie, la parité ou la transparence («un mal nécéssaire pour redonner confiance en la politique»).
Dans sa famille, plutôt de gauche, personne n’était encarté. Avec une mère pied-noire, un père polonais, qui a connu l’ascension sociale jusqu’à devenir cadre chez Total, un grand-père ouvrier chez Arthur Martin dans les Ardennes, elle a été élevée «dans le goût de l’effort et du travail, et dans le respect de l’école républicaine et l’importance de la solidarité et du service publique.» Eva Sas a donc été bonne à l’école. Elle a fait l’Essec et une licence de philo. En 1993, elle se retrouve sur le marché du travail et peine à trouver un premier emploi. «J’ai mis huit mois, c’est long surtout quand on a fait tout bien comme il fallait». Elle n’est pas la seule. «Dans cette génération, le chômage des jeunes est très important, et la politique est désenchantée».
«J’étais écolo sans le savoir»
A l’époque, elle a déjà «ce goût-là, de l’intérêt public» mais ne trouve aucune «offre politique satisfaisante.» Elle devient experte auprès des comités d’entreprise (dans le cabinet Secafi): un métier qu’elle apprécie: «On met ses compétences au service de ceux à qui le rapport de force est défavorable. On apporte des arguments pour sauver des emplois…» Au même moment, elle s’engage pour la réduction du temps de travail, en se disant qu’on ne peut plus, pour combattre le chômage, tabler sur le seul retour de la croissance, et l’accroissement de la consommation. «J’étais écolo sans le savoir», concède-t-elle. Elle rencontre vraiment les Verts en 1999, à des Etats généraux de l’écologie politique où elle est invitée. Là, elle découvre 1) que les Verts ont un programme économique et 2) qu’elle est en accord avec ce qu’elle entend. «C’est une nouvelle offre politique, un peu farfelue parfois, mais je me disais c’est là que ça se passe». Et elle n’est plus partie.
Eva Sas a deux enfants, nés en 2003 et 2007. «J’en attends un troisième pour novembre», confie-t-elle, alors que l’arrondi de son ventre se devine à peine. Une députée enceinte, c’est si rare à l’Assemblée nationale (où les femmes sont peu nombreuses) qu’elle a découvert à cette occasion ce qui est prévu pour le congé maternité. Rien.