Retrouvez l’interview d’Eva Sas dans l’édition national du Parisien du 18 août 2014. 

Éva Sas a longtemps eu l’impression d’abandonner à la fois son bébé et son mandat. La faute, selon la députée EELV de l’Essonne, qui a donné naissance en novembre à son troisième enfant, au « vide juridique » entourant le congé maternité des femmes parlementaires.

En juillet 2013, votre amendement pour que les députées enceintes soient remplacées par leur suppléant le temps de leur absence a été retoqué. Pourquoi ?

Éva Sas. Parce que la Constitution ne prévoit aujourd’hui qu’un seul motif de remplacement provisoire pour un parlementaire, à savoir sa nomination au gouvernement. Le temps de son congé maternité, la députée laisse donc un siège vide dans l’hémicycle. Le message politique est détestable. Il nous dit « vous n’avez pas à être enceinte » et entretient l’idée que la politique est une affaire d’hommes. Etre remplacée signifie pourtant que les dossiers sont suivis au plus près. Je voudrais avoir du gouvernement l’assurance que cette modification sera inscrite en cas de réforme constitutionnelle.

Neuf mois après votre accouchement, le combat continue ?

Oui, car le Parlement se rajeunit, il se féminise. Il y a actuellement trois femmes dans la même situation. En plus de revendiquer le droit à la maternité et de demander une réforme de la Constitution, il faut que les députées concernées, mais aussi les jeunes papas, se rassemblent dans une initiative commune.

Quel type d’initiative ?

Dans un premier temps, cela pourrait prendre la forme d’un courrier commun avec des propositions à Najat Vallaud-Belkacem (NDLR : ministre des Droits des femmes). Elle a de vraies convictions, mais n’a jamais répondu à ma question écrite, adressée en juillet 2013, sur le sujet. Un silence étonnant… preuve que la volonté n’est pas encore là.

Peut-être parce que cela pourrait paraître anecdotique…

Cela va bien au-delà d’un simple problème d’organisation. C’est une entrave à la féminisation du Parlement. Une reconnaissance de la maternité serait un signal positif sur la légitimité des femmes en politique qui sont extrêmement présentes, sérieuses et bosseuses.

Qu’est-ce qui, pour vous, avait été le plus dur à gérer ?

Ecourter le temps avec mon bébé parce que personne ne me suppléait en séance. Et bien faire comprendre aux électeurs que je m’absentais parce que j’étais enceinte et non en vacances ! J’ai beaucoup communiqué sur ma grossesse et le vide juridique qui l’entourait. Cela a été entendu, même si vous ne pouvez éviter des coups bas comme des places chipées en commission ou des langues malveillantes sur le terrain.