Intervention sur le règlement du budget et l’approbation des comptes de l’année 2012

Eva Sas est intervenue lors du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, un effort budgétaire sans précédent a été fait en 2 012. L’exercice s’achève sur un déficit de 87,1 milliards, en amélioration de 3,6 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent. Le rétablissement de la justice fiscale entrepris dès le début de la nouvelle législature aura permis d’augmenter les recettes de 13,9 milliards d’euros, et nous saluons ce redressement. Les dépenses publiques n’ont quant à elles progressé que de 0,7 % en volume en 2012. L’effort de réduction du déficit est donc important, très important, peut-être trop important.

En effet, si l’activité s’est contractée en 2012 après la légère reprise de 2011, c’est bien à cause des politiques d’austérité adoptées dans tous les pays d’Europe. Avec cette conjonction des politiques d’austérité, les multiplicateurs budgétaires se sont avérés plus élevés que prévu, comme le reconnaît explicitement le Fonds monétaire international, que je cite : « Les multiplicateurs utilisés dans les prévisions de croissance ont été systématiquement trop bas depuis le début de la grande récession. » Habituellement fixés à 0,5, ils seraient plutôt de l’ordre de 0,9 à 1,7. L’impact restrictif des politiques d’austérité menées dans la zone euro est donc plus important qu’anticipé.

Cet impact récessif a des répercussions concrètes sur les ménages et pour les entreprises : la consommation des ménages a reculé de 0,4 % en raison d’un repli du pouvoir d’achat de 0,9 %, chiffre que l’on n’avait pas vu depuis trente ans. Cette baisse de la demande intérieure constitue un frein à l’investissement pour les entreprises, dont le niveau d’investissement a ainsi reculé de 2,7 points en 2012. Nous ne sommes pas éloignés d’un cercle vicieux qui éteint un à un tous les moteurs de l’activité.

Cette contraction de l’activité a eu des conséquences directes sur le budget et les recettes fiscales. Et cela est d’autant plus dommageable que cette moins-value sur les recettes fiscales n’a été que très partiellement anticipée.

Je voudrais appeler l’attention sur deux points. Dans son rapport, la Cour des comptes souligne l’écart de 3,5 milliards d’euros entre les prévisions de TVA de la loi de finances rectificative pour 2012, pourtant votée en décembre 2012, et les recettes constatées. La Cour relève que, déjà à ce moment-là, « les informations mensuelles sur les encaissements de TVA des dix premiers mois de l’année donnaient à penser que le rendement de la TVA ne pourrait atteindre la prévision ». Il est dès lors un peu étonnant, monsieur le ministre, que vos services n’aient pas corrigé leurs prévisions.

Selon les explications fournies par Bercy à la Cour des comptes, il y a bien sûr le fait que la loi de finances rectificative était basée sur une croissance de 0,3 %, alors que celle-ci s’est révélée nulle dans les faits, mais cette erreur de trajectoire n’explique que 900 millions d’euros d’écart. On avance aussi des explications liées à la structure de consommation des ménages, avec une augmentation de la part des biens soumis à un taux de TVA réduit, aboutissant à une baisse de 400 millions d’euros. Enfin, on constaterait un changement de comportement des entreprises qui aurait entraîné en 2012 plus de demande de restitution de crédit de TVA qu’habituellement, pour, là encore, 400 millions d’euros.

Cependant, comme le souligne la Cour des comptes, ces éléments, je cite, « n’expliquent qu’environ la moitié de la perte de recettes de TVA », et Bercy ne semble pas en mesure d’apporter des explications solides à l’autre moitié. Il serait donc intéressant, monsieur le ministre, que vous apportiez de plus amples explications sur ce point à la représentation nationale.

Un autre enseignement doit être tiré du rapport de la Cour ; il concerne la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Alors que les recettes fiscales progressent globalement, la loi de règlement constate une diminution des recettes de TICPE de 800 millions d’euros entre 2011 et 2012. Une partie de cette baisse de recettes est due à la baisse de consommation de supercarburant en 2012 par rapport à celle de l’année 2011. En effet, alors que la consommation de gazole a augmenté de 0,2 %, celle de supercarburant a baissé de 6,5 %, pour une baisse globale de la consommation de carburant en France de 1,2 %.

Mais surtout, selon la Cour des comptes, la moitié de ce manque à gagner, 400 millions d’euros en moins dans les caisses de l’État pour financer les services publics, est due à la baisse de trois centimes par litre de carburant décidée à l’été 2 012 et mise en œuvre du 29 août 2012 au 10 janvier 2013.

Face au coût extrêmement important de cette mesure pour les finances publiques, face également aux conclusions d’une étude de l’association nationale de défense des consommateurs et usagers, la CLCV, qui démontre qu’à l’occasion de cette mesure les raffineurs et les distributeurs en ont profité pour améliorer leurs marges sur le gazole de deux centimes, nous ne pouvons que nous interroger. Je finirai donc par cette question : le Gouvernement pourrait-il fournir à la représentation nationale une étude sur l’impact social, économique et environnemental de la baisse de trois centimes du carburant, en particulier sur son effet réel sur le budget des ménages français ?

Je ne peux pas ne pas dire un mot de la nouvelle que nous avons apprise cet après-midi, qui nous laisse encore sans voix. Le Gouvernement a remercié Delphine Batho, ministre de l’écologie, après son intervention de ce matin. Elle a osé défendre son budget, rechercher des arbitrages favorables pour avoir les moyens de sa politique environnementale et elle est remerciée en quelques heures.C’est la deuxième ministre de l’écologie remerciée en un an.Vous comprendrez que nous sommes plus que stupéfaits et plus qu’inquiets du message qu’envoie ainsi le Gouvernement. L’ambition en matière environnementale serait une faute, la conviction en matière écologique, presque un délit ! Les écologistes ne peuvent qu’interpeller le Gouvernement sur ses intentions en matière environnementale.

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