Intervention d’Eva Sas lors de la discussion générale sur les retraites

Retrouvez l’intervention d’Eva Sas lors de la discussion générale sur les retraites à l’Assemblée nationale.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous étudions aujourd’hui le premier projet de loi significatif sur les retraites présenté par un Gouvernement de gauche depuis 1982. Nous avons là, à n’en pas douter, une réforme plus équilibrée que celle de 2010, et il faut d’abord en reconnaître les points positifs.

Cette réforme tourne le dos au report de l’âge légal, abandonne la piste de l’augmentation de la CSG et comporte des mesures en faveur des femmes, comme la validation de trimestres supplémentaires de congés maternité et de temps partiel. Surtout, elle traite enfin la question de la pénibilité.

On retiendra en effet, comme principale avancée de ce texte, la création du compte personnel de prévention de la pénibilité. Contrairement à la pseudo-réforme du Gouvernement précédent, qui niait la réalité celle-ci apporte une solution à la première des injustices, la différence d’espérance de vie entre les ouvriers et les cadres, qui n’est pas anecdotique, puisque l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans est de 6,5 années pour un ouvrier et de 11,1 années pour un cadre.

La réforme de 2010 n’a pas apporté de réponse à la question de la pénibilité. Comme l’a écrit Pierre Merle, elle a opéré, de manière un peu honteuse d’ailleurs, un tour de passe-passe, puisque « les différences de conditions de travail ont été niées et transmutées en un problème personnel et médical », celui de l’inaptitude. La présente réforme s’attaque enfin sérieusement à la question de la pénibilité, mais elle peut encore être améliorée. Nous vous proposerons notamment de ne pas limiter le nombre de points du compte de prévention, pour ne pas pénaliser les salariés ayant été exposés pendant plus de vingt-cinq ans à un facteur de pénibilité.

Malgré ses limites, le compte pénibilité constitue une avancée réelle. Il fait partie des points positifs qui auraient pu rendre cette réforme juste. J’utilise le conditionnel car ce texte nous laisse malgré tout un goût amer. Il comporte, en effet, deux défauts majeurs, qui nous empêchent de le qualifier de juste. Le premier problème, c’est que les entreprises sont exonérées de l’effort collectif de financement. Le deuxième c’est que cette réforme repose, au-delà de 2020, sur l’allongement de la durée de cotisation.

En effet, le partage de l’effort de financement n’existe, hélas, qu’en façade, puisque le Gouvernement a annoncé que la hausse des cotisations serait entièrement compensée pour les entreprises. S’il est légitime de préserver les PME dans un contexte économique difficile, comment justifier d’exonérer toutes les entreprises de l’effort collectif, y compris les plus grandes et celles qui réalisent des bénéfices importants ? Avec le crédit d’impôt compétitivité, cela fait, au final, beaucoup d’égards pour les entreprises et beaucoup d’efforts pour les ménages.

Le relèvement de la contribution sur les dividendes nous aurait paru un mode de financement plus juste, et c’est ce que nous vous proposerons lors de l’examen du projet de loi de finances, qui débutera bientôt dans cet hémicycle. Cette contribution a un double avantage ; d’une part, elle préserve les PME, puisqu’elle ne concerne que les entreprises de plus de 250 salariés ; d’autre part, même si elle n’est prélevée que sur les dividendes distribués aux actionnaires, son rendement est significatif, puisqu’il devrait atteindre 1,6 milliard d’euros en 2013. Nous nous étonnons que cette piste ait été jusqu’ici écartée et que l’on continue de faire reposer la contrainte sur les seuls ménages.

L’allongement de la durée de cotisation au-delà de 2020 est le deuxième point noir de cette réforme. En effet, dans une situation de chômage élevé, cet allongement ne se traduit que par une chose : le remplacement des retraités par des chômeurs, moins bien indemnisés. La réforme de 2010 a eu pour conséquence d’augmenter la population active de 224 000 personnes, qui sont arrivées sur un marché du travail déjà saturé. Au final, l’Unedic a estimé l’impact de cette réforme à 30 000 demandeurs d’emploi supplémentaires et à 440 millions d’euros de coût annuel pour l’assurance chômage. Maintenir les seniors sur le marché du travail ne peut qu’alimenter le chômage endémique qui mine la société française. C’est pourquoi nous vous proposerons par amendement de surseoir à cette décision et d’attendre, pour la mettre en œuvre, qu’il soit démontré, par un rapport présenté devant la représentation nationale, que l’augmentation de la durée de cotisation n’a aucun impact sur le nombre de chômeurs ou sur le taux de chômage.

Les écologistes pensent depuis toujours que l’évolution de nos sociétés et de la productivité doit nous conduire à réduire progressivement le temps de travail. Il s’agit d’un mouvement historique qui ne s’est interrompu que récemment, pour des raisons idéologiques, et il convient de le reprendre. Vous nous proposez, madame la ministre, d’allonger la durée de cotisation, et donc d’allonger la durée du travail tout au long de la vie. Pour cette raison, et malgré les avancées qu’il contient, vous aurez compris que nous ne pouvons soutenir votre texte en l’état.

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