Intervention d’Eva Sas lors de la discussion générale sur le projet de loi de finances rectificative 2012

Ce projet de loi de finances rectificative nous permet de faire un pas de plus dans la lutte contre la fraude fiscale. Il limite les possibilités d’optimisation fiscale en réduisant les exonérations. Il entérine l’accord international sur la garantie de l’État français apportée à Dexia. Il confirme enfin le redressement des comptes publics. Nous saluons ces avancées, notamment concernant la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale, et serons à vos côtés pour poursuivre dans cette voie.

Cependant, et nous le savons tous, là n’est pas l’essentiel de ce texte. Nous ouvrons aujourd’hui la discussion sur ce que le Gouvernement aura appelé le « pacte de compétitivité », qui prend la forme d’un amendement introduisant le crédit d’impôt compétitivité emploi et l’augmentation de la TVA permettant de le financer.

Je voudrais faire une première remarque sur la méthode et m’étonner que nous soyons amenés à discuter d’une dépense fiscale de 20 milliards d’euros à l’occasion d’un amendement. Dans le cadre d’un projet de loi, cette mesure aurait fait l’objet d’une étude d’impact qui nous aurait permis d’évaluer les incidences économiques, financières, sociales et environnementales de cette réforme. Nous serons malheureusement contraints de nous en passer et pour la qualité du travail parlementaire, je le déplore.

J’en viens maintenant au fond. Le Gouvernement a intitulé ce dispositif « pacte de compétitivité ». Il ne s’agit pourtant pas d’un pacte, puisque aucune contrepartie n’est à ce stade demandée aux entreprises, ni même vraiment de compétitivité puisque toutes les entreprises sont concernées, y compris celles qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Il s’agit donc, en guise de pacte et sous couvert de compétitivité, d’un simple dispositif d’aides aux entreprises, ni ciblé, ni conditionné. Toutes les entreprises pourront en bénéficier, les entreprises florissantes, les entreprises sous LBO, les groupes bancaires, la grande distribution, les secteurs non exposés à la compétition internationale, ce qui est le cas de 75 % des entreprises…

Le financement de ce dispositif par la TVA doit également être mis en débat. Le transfert du poids de la fiscalité des entreprises vers les ménages va peser lourdement sur le budget des familles les plus modestes. Il risque d’affaiblir la consommation en France, dans une période où l’austérité partout en Europe affaiblit la demande. Alors nous posons la question : quelle chance aura donc ce pari du choc de l’offre de réussir, dans un contexte de demande aussi atone ?

Plus inquiétant encore, la hausse du taux intermédiaire de la TVA, de 7 à 10 %, va toucher le logement social, les transports en commun, le traitement des déchets et le bâtiment – et donc la rénovation thermique. Elle va donc pénaliser lourdement à la fois les collectivités territoriales et les secteurs qui sont au coeur de la transition écologique.

Nous sommes membres de la majorité et nous sommes fiers des objectifs qu’elle s’est donnés : la construction de 150 000 logements sociaux par an, la rénovation thermique de 600 000 logements par an, la priorité aux transports du quotidien. Cette hausse de la TVA nous paraît malheureusement en contradiction avec ces objectifs. Vous semblez ainsi fermer la porte à des réductions de consommation énergétique d’ampleur, qui seront pourtant essentielles pour l’avenir. Vous parlez de compétitivité, de conserver les emplois dans notre pays… et vous renoncez de fait à réduire la facture énergétique, qui est responsable de 90 % des 70 milliards de déficit commercial de ce pays.

Pour finir, je voudrais en revenir à l’origine de ce texte. Oui, l’intention initiale du rapport Gallois était louable. Oui, les problèmes de compétitivité de l’industrie française sont réels. Oui, il faut encourager le développement des PME et l’innovation en France. Oui, il faut renouveler la relation avec les entreprises dans ce pays. Mais c’est justement pour cela que ce pacte de compétitivité reste à notre sens une occasion manquée : celle de refonder le pacte social et écologique de la France sur de nouvelles bases, de renouer une relation donnant-donnant, sur la base d’engagements réciproques entre les partenaires sociaux, l’État et les associations environnementales.

Ce crédit d’impôt sans conditions ni contreparties ne sert pas cette ambition. Son financement par la TVA pénalise les ménages et les collectivités locales et cible particulièrement les secteurs au coeur de la transition écologique. Alors, il nous reste à espérer beaucoup du débat parlementaire. Nous savons qu’il sera riche, car nos collègues socialistes ont fait un travail d’amélioration exemplaire. Nous serons à leurs côtés pour soutenir cette démarche qui permettra peut-être de remettre ce dispositif au service de notre ambition partagée, celle d’une modernisation écologique et sociale de la France.

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