Programme de stabilité: la France doit faire entendre sa voix contre l’austérité

Merci Monsieur le président, Monsieur le ministre, chers collègues,

Ce programme de stabilité pour la période 2013-2017 s’inscrit dans la lignée du traité de stabilité, de coordination et de gouvernance, et à ce titre, nourrit pour nous les mêmes interrogations. Il nous interroge et je dirais même qu’il nous inquiète, pour au moins deux raisons.

Premièrement, parce que les prévisions de croissance apparaissent fort optimistes aux dires mêmes du Haut Conseil des Finances Publiques. En effet, celui-ci « considère que le scénario pour les années 2013-2014 est entouré d’un certain nombre d’aléas qui font peser un risque à la baisse sur les prévisions ». Il estime en particulier que l’effet négatif des politiques d’austérité en France et en Europe est sous-estimé à la fois sur la demande intérieure et sur les exportations. Il estime, enfin, que les effets positifs annoncés du crédit d’impôt compétitivité et de l’ANI ne sont pas documentés, donc restent incertains.

Nous aurions pu considérer que ces prévisions optimistes, à défaut d’asseoir la crédibilité budgétaire de la France, laissaient une forme de souplesse par rapport au rythme des déficits. C’est en partie vrai. Mais malgré cette forme de souplesse, la contraction budgétaire prévue reste très soutenue. Et c’est la deuxième raison qui suscite chez nous des inquiétudes.

Vous le savez, nous, écologistes, nous avons toujours considéré qu’il fallait inscrire la France dans une trajectoire de réduction des déficits. Que c’était même une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Néanmoins, nous en avons aussi toujours questionné le rythme. Et force est de constater que nous n’avons pas été, jusque là, entendu, alors même qu’un nombre toujours plus grand d’observateurs économiques alertent sur les risques sociaux et politiques de cette folle obstination. Jusqu’au FMI, et aujourd’hui à José Manuel Barroso, lui-même, qui déclare que la politique d’austérité en Europe a atteint ses limites. Alors oui, nous ne pouvons qu’être inquiets des conséquences de ce programme de stabilité.

D’abord, parce que l’effet sur l’emploi de ces politiques de contraction budgétaire est déjà dramatique : 5 millions d’inscrits au pôle emploi, 1,9 millions de demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an. Et un taux de chômage qui devrait atteindre 11,2 % en fin d’année.

Aussi, parce qu’en faisant s’effondrer l’activité, ces politiques d’austérité sont contreproductives du point de vue même de la réduction des déficits. En janvier et février de cette année, le déficit aura été supérieur aux deux premiers mois de l’année dernière, tant les bases fiscales se sont effondrées.

Ensuite, parce que ce programme de stabilité prévoit 14 milliards d’économies sur les dépenses publiques en 2014 et 60 milliards sur la mandature. Sans même que nous sachions aujourd’hui quels services publics, quels projets d’infrastructures, quelles prestations sociales seront touchées.

Enfin, et peut-être surtout, parce que la France est la seule en Europe, à pouvoir infléchir la politique européenne et qu’il est donc de sa responsabilité de faire entendre sa voix contre l’austérité généralisée. Comme le dit très bien Guillaume Duval dans son dernier éditorial d’Alternatives Economiques : « L’austérité généralisée en Europe, promue par une Allemagne en situation de leadership incontesté, est suicidaire pour la cohésion sociale européenne. La France doit tirer le signal d’alarme avant qu’il ne soit trop tard. »

Dès lors, oui, la France se doit de tirer ce signal d’alarme, pour réorienter les politiques économiques européennes, et pour mettre en œuvre de véritables réformes structurelles.

Non pas les réformes que l’on appelle habituellement structurelles, mais qui ne sont que libérales: baisse du coût du travail, flexibilisation du marché du travail, baisse des dépenses publiques. Mais des réformes structurelles sociales et écologiques.

Cela veut dire d’abord, une réelle réforme fiscale, sur la base d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, pour une véritable progressivité de l’impôt. Mais aussi une réforme fiscale écologique qui met en cohérence notre système fiscal avec nos objectifs environnementaux : réduction des niches fiscales anti-écologiques à commencer par le diesel et le kérosène, et mise en place d’une contribution climat énergie.

Cela veut dire ensuite une véritable politique d’investissement, pour préparer notre économie et notre industrie aux mutations écologiques qu’elle devra affronter demain. Nous le savons, il manque entre 15 et 20 milliards par an pour investir dans les transports, la rénovation thermique des bâtiments, ou encore les énergies renouvelables, un investissement salutaire pour changer de modèle, créer de l’emploi et sortir de cette crise par le haut.

Pour conclure, je voudrais redire ici que la réduction des déficits ne peut tenir lieu de politique à la France. Nous devons renouer avec les véritables objectifs de notre politique commune : l’emploi et l’environnement. Vous nous disiez toute à l’heure que l’austérité n’était pas une solution et que notre priorité doit être l’emploi. Mais malheureusement, je ne retrouve pas ces louables intentions dans votre programme de stabilité.

Alors nous vous le demandons, M. le ministre, renoncez à ces orientations, la France doit parler haut et clair en Europe, et faire cesser la course folle aux restrictions budgétaires, qui prive notre jeunesse d’un avenir.

 

Intervention lors du Débat sur le programme de stabilité 2013-2017, prononcée le 23 Avril 2013.

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