Indicateurs de richesse : « Désacraliser le PIB pour désacraliser la croissance », Alternatives économiques
Retrouvez l’article paru dans Alternatives économiques ce mois ci. Eva Sas revient sur sa proposition de loi organique visant à l’intégration de nouveaux indicateurs de richesse.
Indicateurs de richesse : « Désacraliser le PIB pour désacraliser la croissance », Alternatives économiques
La députée écologiste Eva Sas a déposé une proposition de loi« visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse », complémentaires du produit intérieur brut (PIB). L’objectif est d’assigner aux politiques publiques d’autres finalités que la simple croissance des biens et des services marchands, et d’évaluer autrement les politiques publiques. Rejetée lors de son examen par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 15 janvier dernier, elle avait peu de chance d’être adoptée en séance plénière le 23 janvier.
Quel est le problème avec le PIB ?
Le produit intérieur brut est un indicateur de richesse utile, mais il pose trois types de problèmes. Il totalise tout ce qui se vend et s’achète, sans évaluer la contribution de ces échanges au bien-être, ni prendre en compte les échanges non marchands, comme le bénévolat, l’économie informelle ou domestique. Ensuite, le PIB reflète une richesse sans rien dire de sa répartition, donc sans mesurer les inégalités. Enfin, c’est un indicateur de court terme, qui mesure un flux de production sans se soucier des stocks, comme l’épuisement des ressources naturelles. Alors que l’hypothèse d’une croissance durablement faible est plausible, il est indispensable d’évaluer nos politiques en fonction d’objectifs prioritaires, comme le bien-être ou l’emploi.
En quoi consiste concrètement votre proposition ?
Notre proposition de loi demandait l’introduction de quatre indicateurs synthétiques dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances chaque année : l’indice d’espérance de vie en bonne santé, l’indicateur de santé sociale, l’empreinte écologique et les émissions de gaz à effet de serre. Cela aurait permis d’évaluer les politiques menées et le budget de l’année suivante en fonction de critères plus variés que le PIB. Comme le choix de ces quatre indicateurs ne faisait pas consensus, j’ai proposé de laisser ouvert le débat sur les indicateurs alternatifs à privilégier. L’enjeu n’est pas d’obtenir un tableau de bord de plus, mais de mettre quelques indicateurs synthétiques au même niveau de visibilité que le PIB, car on a besoin de désacraliser cet indicateur pour désacraliser la croissance.
Pour quelle raison cette idée a-t-elle été rejetée à l’Assemblée ?
Notre proposition de loi impliquait de modifier la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), à laquelle Bercy tient particulièrement, car il a fallu beaucoup de temps pour la mettre au point. Mais depuis la mise en place, par Nicolas Sarkozy, de la commission Stiglitz sur les indicateurs de richesse, en 2008, il y a un vrai consensus à propos des limites du PIB. Le gouvernement est donc ouvert à des modifications législatives au premier semestre 2014 pour donner de la visibilité à des indicateurs de richesse alternatifs.
Propos recueillis par Manuel Domergue
Alternatives Economiques n° 332 – février 2014