Etat d’urgence : pourquoi je m’oppose à la prorogation de 6 mois d’un régime d’exception qui n’a pu éviter des actes de terrorisme
L’Assemblée nationale vote aujourd’hui une quatrième prorogation de l’état d’urgence alors que le terrorisme à une nouvelle fois frappé la France. Le dispositif sera même durci puisque le texte prévoit de rétablir les perquisitions administratives alors qu’elles n’ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes judiciaires que dans cinq cas pour des faits liés au terrorisme, et il réintroduit les saisies de données informatiques à l’occasion de perquisitions administratives, sous une forme différente, après la censure du Conseil constitutionnel.
Avec trois lois antiterroristes et une loi renseignement adoptées au cours du quinquennat, le gouvernement repousse à chaque attentat les frontières de l’Etat de droit.
Le dernier texte portant sur le crime organisé et le terrorisme, promulgué le 4 juin, a intégré dans notre droit commun une bonne partie des mesures jusque-là réservées à l’état d’urgence. Ce texte présenté comme le relais de l’état d’urgence, avait même pour vocation à répondre de façon permanente à la menace.
Ces nouvelles dispositions permettent en effet de retenir sur simple présomption une personne pendant quatre heures pour vérifier sa situation lors d’un contrôle d’identité. Les policiers peuvent contrôler l’identité de n’importe qui sur simple suspicion d’activité terroriste et simple demande du préfet, ils peuvent fouiller les bagages et les voitures. La loi permet d’assigner à résidence pendant un mois des individus de retour de « théâtre d’opérations de groupements terroristes », sans pour autant avoir d’éléments suffisants pour justifier une poursuite pénale. Le parquet peut ordonner des écoutes téléphoniques, après autorisation du juge des libertés et de la détention la pose d’IMSI-CATCHERS – des captations de données informatiques – ou des perquisitions de nuit. Et, les juges pourront prononcer des peines de sûreté de trente ans et un nouveau délit de consultation habituelle de sites Internet terroristes est passible d’une peine de deux ans de prison.
L’Etat d’urgence était temporaire et il dure depuis plus de 9 mois. Il est même parti pour durer plus d’un an puisque la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté une prorogation de six mois d’un régime d’exception qui n’a pu éviter des actes de terrorisme.
Dans son avis sur ce quatrième prorogation et même dans les circonstances résultant de l’attentat commis à Nice, le Conseil d’Etat, ainsi qu’il l’avait déjà souligné dans ses avis du 2 février et du 28 avril 2016 sur les projets de loi autorisant une deuxième et une troisième fois la prorogation de l’état d’urgence, rappelle que les renouvellements de l’état d’urgence ne sauraient se succéder indéfiniment et que l’état d’urgence doit demeurer temporaire. Les menaces durables ou permanentes doivent être traitées, dans le cadre de l’Etat de droit, par des moyens permanents renforcés par les dispositions résultant des lois récemment promulguées.
Au-delà de la question d’efficacité des mesures déjà mises en place, de la nécessaire amélioration de la coordination des services de renseignement, c’est aussi un choix de société qui se pose.
L’état d’urgence n’est pas un instrument efficace de lutte contre le terrorisme et cet état dit d’exception ne peut être une solution pérenne à la menace terroriste sans remettre en cause nos droits fondamentaux et notre Etat de droit.
Laurence Abeille, députée du Val de Marne
Isabelle Attard, députée du Calvados
Danielle Auroi, députée du Puy-de-Dôme
Sergio Coronado, député des Français de l’étranger
Cecile Duflot, députée de Paris
Noel Mamère, député de la Gironde
Jean Louis Roumegas, député de l’Hérault
Eva Sas, députée de l’Essonne