Abandon de l’Ecotaxe : un gaspillage à 11 milliards d’euros par le Gouvernement qui empêche une politique des transports durables
La Cour des comptes a rendu public hier son rapport annuel 2017 sur les finances publiques. Le rapport est cinglant sur la politique des transports menée par le gouvernement sous ce quinquennat. La juridiction dénonce ainsi le « gâchis » et « l’abandon coûteux » pour les finances publiques de l’écotaxe, ou taxe poids lourds.
« Il est temps que la France se dote d’une véritable politique de transports. Le report modal de la route vers le rail était l’une des priorités du Grenelle de l’Environnement. Ce gouvernement a complètement abandonné cet objectif écologique en sacrifiant l’écotaxe » regrette Eva SAS, Vice-présidente écologiste de la Commission des finances.
La reculade du gouvernement sur l’instauration de la taxe poids lourd, pourtant votée à la quasi-unanimité de l’Assemblée en 2009, se solde par une perte de recettes de 10 milliards d’euros sur la période du contrat (2014-2024), auxquelles s’ajoute près de 1 milliard d’euros d’indemnités de résiliation du contrat avec la société Ecomouv’.
« La taxe poids lourd était une disposition essentielle pour la transition écologique de nos modes de déplacement » précise Eva SAS. Elle rappelle que l’écotaxe « permettait de financer les infrastructures de transport de façon pérenne, tout en appliquant le principe constitutionnel du pollueur-payeur[1] au transport routier de marchandises ».
Les recettes de la taxe poids lourds devaient principalement revenir à l’Agence de financement des infrastructures de transports (AFITF). Or, dans son référé du 10 juin 2016, la Cour des comptes rappelait que « en ne retenant que les paiements correspondant aux engagements déjà pris, ainsi que les paiements liés aux contrats de plan (Etat-Région) 2015-2020, la trajectoire des dépenses de l’AFITF conduirait à une insuffisance cumulée de financement de 0,6 Md€ à l’horizon 2019 ».
Une impasse financière reconnue par le Secrétaire d’Etat en charge des transports, Alain VIDALIES, le 23 novembre dernier, devant le Sénat : « l’AFITF est dans une situation où il nous faudra des ressources supplémentaires de l’ordre de 800 millions d’euros de plus (…) si on veut financer l’ensemble des infrastructures qui ont été programmées ».
Ce qui fait dire à la députée écologiste : « Sur la question des mobilités durables, notre pays régresse : il est urgent de revoir nos modes de vie en tenant compte de l’impact sur le climat et sur notre santé de nos déplacements ». En effet, la part du routier dans le transport de marchandises culmine toujours à près de 87%, contre 3% pour le fluvial et environ 10% pour le ferroviaire[2]. Pour rappel, la loi issue du Grenelle de l’environnement fixait comme objectif 25% à horizon 2022 pour le transport de marchandises non routier et non aérien. Nous en sommes loin.
« C’est d’autant plus inquiétant que les émissions de gaz à effet de serres (GES) liées aux transports connaissent une progression ininterrompue depuis 1990, ce qui en fait le premier secteur d’émissions (28%) de France. Or, 90 % de ces émissions proviennent du transport routier ! »[3] s’inquiète Eva SAS.
« Depuis le début de la mandature, le gouvernement favorise la route. Il a par exemple conclu deux plans autoroutiers sous le quinquennat, l’un en septembre 2015, l’autre en février 2017. Les deux financés par l’augmentation des péages pour les usagers et la participation des collectivités territoriales, alors même que les sociétés autoroutières réalisent des bénéfices record. » rappelle la Vice-présidente de la Commission des finances.
Et Eva SAS de conclure « L’écotaxe aurait permis de mener une politique des transports innovante et à même de respecter les objectifs du Grenelle de l’Environnement. Elle est par exemple appliquée en Allemagne depuis 2005, tandis que la Belgique envisage de la mettre en place. La France est à la traîne de l’Europe en la matière, tandis que nos régions frontalières subissent le trafic des camions et les pollutions afférentes».
[1] Article 4 de la Charte de l’Environnement
[2] Données 2015. http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/2570/873/transport-2015-plus-voyageurs-moins-marchandises-peu-plus.html
[3] Les données INSEE montrent que les émissions dans le secteur du transport ont augmenté de 12 % entre 1990 et 2011. De plus, 90 % des émissions du secteur des transports proviennent du transport routier.