« L’effort sur le déficit public a été réalisé, il est temps d’aborder la 2ème phase du quinquennat : celle de l’investissement et de la redistribution »
Retrouvez ci-dessous l’intervention de votre députée Eva Sas lors du débat d’orientation des finances publiques ce jeudi 9 juillet 2015. Ce débat est issue de l’article 48 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui dispose que « le gouvernement présente, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques ». Ce rapport donne donc lieu à un débat d’orientation des finances publiques (DOFP) devant le Parlement, qui permet de préparer l’examen du projet de loi de finances de l’année suivante à l’automne.
Texte de l’intervention :
Merci Monsieur le président,
Messieurs les ministres,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Madame la rapporteure générale,
Chers collègues,
François Hollande, candidat, annonçait un quinquennat en deux temps, le premier consacré aux reformes structurelles, le second consacré à la redistribution. Nous sommes là dans un débat de préparation au budget 2016, qui devrait, il me semble, ouvrir ce deuxième temps du quinquennat, et vous nous permettrez de vous interroger sur quelques points qui nous paraissent important dans le débat.
Tout d’abord quelques constats : Oui le déficit public a été largement réduit, passant de 5,1 % du PIB en 2011 à 4 % en 2014. Et il l’a été par la compression des dépenses publiques avec une exécution 2014 faisant apparaitre une baisse des dépenses entrant dans le champ de la norme zero valeur de 3,3 milliards entre 2013 et 2014. Minorer cet effort en intégrant dans l’analyse des dépenses publiques, les investissements d’avenir, comme le fait la Cour des comptes, est à ce titre inapproprié, les investissements d’avenir ayant toujours été traité séparément des dépenses sous normes par les majorités successives et ce depuis le lancement du programme d’investissements d’avenir en 2010. Le caractère pluriannuel de ces investissements et la variabilité des décaissements d’une année sur l’autre déformerait, d’ailleurs, l’analyse tendancielle de l’évolution des dépenses publiques.
Parallèlement à cette baisse des dépenses publiques, les recettes fiscales, hors mesures d’allègement de l’impôt, stagnent en raison d’une activité économique atone, et d’une croissance structurellement faible s’établissant à plus 0,2 % en 2014, après 0,7 en 2013 et 0,2 en 2012.
Force est de constater que vous avez, de plus, mis en œuvre des mesures couteuses en faveur des entreprises puisque le seul Crédit d’impôt compétitivité emploi coûte à l’Etat 6,5 milliards de dépenses effectives en 2014. Cette politique se traduit par une forte baisse des recettes d’impôt sur les sociétés qui chutent de 25% en une seule année. A contrario, les recettes d’impôt sur le revenu sont en augmentation, ce qui traduit un transfert de la charge des politiques publiques des entreprises vers les ménages. Malgré cet effort en faveur des entreprises, la croissance ne repart pas, montrant que ces mesures sont pour l’instant, et à elles seules, sans effet notable sur l’économie et sur l’emploi, puisque le taux de chômage a atteint 10% au premier trimestre 2015, et ce sans compter les personnes en sous-emploi.
L’effort sur le déficit public a donc été réalisé, il nous faut donc, maintenant, aborder ce deuxième temps du quinquennat qui doit être celui de l’investissement et de la redistribution.
Priorité à l’investissement, avec notamment la nécessité de redonner aux collectivités territoriales les moyens d’investir dans leurs territoires pour une meilleure adéquation avec les besoins des habitants et pour permettre la création d’emplois partout dans notre pays. Après une baisse de 9,6% en 2014, est prévu un recul de 8,4% en 2015 de l’investissement des collectivités territoriales. Une nouvelle baisse de 3,67 milliards des concours de l’Etat est prévue pour le Projet de loi de finances 2016, ce qui va réduire encore les marges de manœuvre des collectivités pour investir. Ces baisses ne peuvent continuer sans affecter, comme cela a déjà commencé dans de nombreux territoires, l’emploi et la cohésion sociale.
Priorité à l’investissement, aussi, plus spécifiquement dans la transition écologique, notamment au travers du budget de l’écologie. Or, ce budget a déjà largement contribué à l’effort de redressement des comptes publics puisque, à périmètre d’action inchangé et hors investissements d’avenir, il a reculé en 2015 de 410 millions d’euros, soit une baisse de 5,81 % par rapport au budget 2014, après une baisse de 500 millions d’euros, soit 7 %, en 2014 et 740 millions d’euros, soit 8,8 %, en 2013. Au total, c’est une baisse de crédits continue, sans interruption, de 1,65 milliard d’euros depuis 2012.
Je le disais, ces chiffres ne concernent pas les investissements d’avenir, mais ceux-ci en matière d’écologie sont aussi touchés puisque 146 millions ont été transférés de deux programmes concernant l’écologie vers la défense en 2014. Une baisse cumulée que l’on peut qualifier de drastique.
Comment mener la politique environnementale ambitieuse que vous défendez, à juste titre, dans de telles conditions ?
Alors que le budget pour 2016 sera soumis à la représentation nationale au moment de la COP 21, que la demande en matière de projets d’investissement dans la transition énergétique est là, et que vous avez fait de la transition énergétique une priorité, il ne faudrait pas que les crédits finançant la société de demain soient, de nouveau, touchés par les coupes budgétaires. Or, il semble que le Projet de loi de finances pour 2016 prévoit une nouvelle baisse du budget de l’écologie de 106 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale 2015. Nous ne pouvons que le déplorer.
Priorité à la redistribution, aussi, avec une nécessaire amplification des mesures en faveur des ménages. Nous saluons l’effort qui a été fait avec l’allégement d’impôt sur le revenu pour les personnes aux revenus modestes dont l’exécution montre qu’il a eu un impact important avec un allègement de prélèvements de 1,3 milliards en 2014, améliorant la situation de 4,2 millions de foyers fiscaux. Un effort prolongé et amplifié en 2015, avec la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, redistribuant 3 milliards d’euros et bénéficient à 9 millions de foyers fiscaux.
Mais d’autres mesures directes peuvent être mise en œuvre en faveur des ménages, en parallèle du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu que nous soutenons, comme nous l’avons toujours fait, et dont nous attendons les détails pratiques permettant sa mise en œuvre.
Or, à ce jour, aucune mesure nouvelle en faveur des ménages aux revenus modestes n’est annoncée, la prime d’activité n’étant que la refonte des budgets de la prime pour l’emploi et du Revenu de Solidarité Active.
Nous avons, de plus, une inquiétude forte sur la question de la politique du logement. Vous voudrez bien, d’ailleurs, nous communiquer les éléments que vous avez retenus dans les travaux du groupe de travail mené par notre collègue François Pupponi et la revue des dépenses que vous citez, pour maitriser le cout des Aides Personnalisées au Logement et des aides à la pierre tel que vous l’évoquez dans vos documents. Vous comprendrez bien que ces premières orientations suscitent des inquiétudes légitimes, nous souhaitons y répondre.
Enfin, dernier point, pour rendre plus efficace les aides aux entreprises et améliorer l’efficience des budgets alloués à la création d’emplois, nous espérons que 2016 permettra d’affiner le choix qui a été fait sur les crédits d’impôts aux entreprises, et de concentrer ces crédits sur les entreprises en difficultés, les TPE et PME, les entreprises des secteurs d’avenir et les activités intenses en emplois.
Vous l’aurez compris ce second temps du quinquennat donnant priorité à la redistribution, à l’emploi, à l’investissement et à la transition écologique, nous l’attendons, et les français l’attendent aussi.