Discussion générale sur la proposition de loi UDI sur la prévention du surrendettement

Intervention d’Eva Sas le Jeudi 22 Novembre :

« Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous le constatons tous : de mois en mois, les situations de surendettement deviennent plus alarmantes. Je commencerai mon propos en remerciant le groupe UDI de mettre en débat ce problème qui touche de plus en plus durement nos concitoyens.

Si les sommes distribuées sous forme de crédit revolving sont en recul, si le nombre de dossiers déposés auprès des commissions de surendettement a baissé de 6 % en 2012, la situation sociale des surendettés est, en revanche, de plus en plus inquiétante. Ainsi, 56 % des dossiers concernent des personnes n’ayant aucune capacité de remboursement, alors que cette proportion n’était que de 35 % il y a trois ans. Un tiers des surendettés sont des bénéficiaires de minima sociaux, preuve de leur paupérisation croissante, et ce en dépit des différentes lois votées ces dernières années pour prévenir le surendettement. En outre, le recours excessif au crédit représente, de plus en plus souvent, la cause exclusive des dépôts de dossiers de surendettement, bien plus que les dettes accumulées sur les loyers et autres charges courantes.

L’aggravation des situations de surendettement est certes liée à la crise, mais elle est aussi, et surtout, le signe de l’emballement d’un système économique qui fait miroiter une vie meilleure au travers de la consommation, un monde qui identifie le bonheur à l’abondance et l’épanouissement à l’accumulation de biens matériels, un monde où les inégalités sont de plus en plus fortes et qui soutient, coûte que coûte, la croissance par l’endettement accru des plus pauvres, comme nous l’avons constaté lors de la crise des subprimes. Tous ces éléments montrent, s’il en est encore besoin, qu’il est urgent d’agir. Toutefois, si cette proposition de loi a le mérite d’aborder un sujet préoccupant de notre société, nous estimons qu’elle ne traite qu’une partie du problème et laisse trop de questions en suspens.

En premier lieu, elle n’aborde pas la question des types de crédit. Pour nous, la question des crédits revolving est la question centrale. Si les sommes distribuées au travers des crédits revolving sont en diminution, celle-ci semble s’expliquer plus par la crise que par la nouvelle législation. Or ces crédits, selon la Banque de France, sont impliqués dans 82 % des dossiers examinés par la commission de surendettement. Cette situation s’explique principalement par des taux qui dépassent souvent 15 %, soit des taux très proches du taux d’usure, le taux maximum auquel les banques peuvent prêter aux particuliers.

Il semble donc que ce soient ces crédits que la législation devrait viser en premier, en vue de leur extinction progressive. Le seul argument avancé en leur faveur est que les ménages les plus faibles n’auraient pas d’autre possibilité d’accéder au crédit. Mais pousser les ménages les plus pauvres à contracter des crédits à des taux semblables est au mieux irresponsable, au pire criminel. D’autres solutions doivent être trouvées, certaines existent déjà. Les acteurs sociaux et les banques coopératives développent, depuis des années, des dispositifs d’« inclusion bancaire », par exemple sous forme de microcrédit professionnel ou personnel. Ce sont vers ces acteurs qu’il faut se tourner, plutôt que de laisser prospérer ces organismes de crédit. C’était mon premier point : le texte est intéressant, mais ne s’attaque pas à la question centrale de l’offre de crédit.

J’en viens maintenant à l’étude des deux dispositifs proposés. Face au fléau du surendettement, le principe d’une responsabilisation partagée entre emprunteur et prêteur est louable. Si l’article 1er, qui rend impossible la procédure de recouvrement par un organisme de crédit qui n’aurait pas vérifié la solvabilité de l’emprunteur est une avancée certaine, l’idée de créer un répertoire national des crédits aux particuliers nous inspire en revanche la plus grande prudence. Même si ce fichier était géré par la Banque de France, la possibilité d’atteinte aux libertés publiques ne peut être écartée. Il nous paraît donc nécessaire, avant de le mettre en place, d’étudier de manière approfondie l’ensemble des conséquences. Quelles informations y seraient recensées ? Combien de personnes y seraient inscrites ? Comment les informations seraient-elles collectées ? Qui pourrait les consulter ? Comment seraient contrôlée leur consultation et leur extraction ? Quelles procédures permettraient de faire rectifier une erreur ?

La CNIL n’a pas, à ce jour, les moyens de contrôler un tel fichier. Ces questions ne peuvent être renvoyées à une étude ultérieure. Elles concernent de trop près les libertés publiques, et un véritable débat contradictoire doit être mené avant de s’engager dans une telle démarche. Ce débat n’a pas lieu seulement en France : la Belgique a mis en place un fichier proche de celui qui nous est proposé. Or la question désormais posée en Belgique est celle de l’extension du fichier, aux fins d’efficacité à d’autres informations que les seuls crédits : ressources du ménage, dépenses de loyer, d’électricité, de gaz, de téléphone, soit l’ensemble du budget du ménage. Nous nous opposons à un tel recensement, qui constituerait un véritable fichage des individus.

Nous reconnaissons que des avancées sont proposées dans ce texte par rapport aux propositions précédemment étudiées. Cependant, cet encadrement ne nous paraît pas encore suffisant, et le sujet mérite un débat plus approfondi, que nous ne pouvons malheureusement pas avoir dans le cadre de cette proposition de loi.

En conclusion, je voudrais remercier à nouveau M. Lagarde et le groupe UDI pour cette proposition de loi qui fait indéniablement avancer le débat sur la question du surendettement. Néanmoins, le groupe écologiste ne la votera pas, car il estime que le sujet doit faire l’objet d’une réflexion plus large et plus approfondie et que la question du répertoire national des crédits aux particuliers soulève des inquiétudes légitimes. Les mesures proposées sont insuffisantes pour traiter l’ensemble du problème. Nous ne voudrions pas que la prévention du surendettement se résume à la seule vérification de la solvabilité de l’emprunteur, alors qu’il doit inclure, au minimum, le traitement des situations actuelles de surendettement, l’encadrement du crédit à la consommation, la suppression du crédit revolving, ainsi que des dispositifs favorisant l’inclusion bancaire et l’accès au microcrédit personnel.

Comme l’a dit M. le ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, ces sujets sont à l’étude et feront l’objet d’une loi en 2013, sur la base d’une évaluation de la loi Lagarde de juillet 2010 qui, déjà, faisait un premier pas en direction de l’encadrement du crédit à la consommation. M. le ministre s’y est engagé devant nous. Le dispositif du fichier positif sera lui-même étudié avec toutes les précautions nécessaires dans le cadre de la préparation de cette loi.

Nous attendrons donc avec vigilance le projet de loi de 2013 qui, nous l’espérons, proposera une approche globale et ambitieuse. »

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