Loi Sapin 2 : Des avancées, encore timides, contre les lobbys, l’évasion fiscale et la corruption dans les pays étrangers
Les députés écologistes saluent la méthode ayant prévalu pour l’examen de la loi Sapin, qui a fait l’objet, contrairement à la loi Travail, d’un véritable dialogue avec le Parlement lors de première lecture achevée ce jeudi 9 juin. Le projet de loi comporte, à l’issue du débat parlementaire, des avancées réelles en matière de lutte contre la corruption, d’encadrement des lobbys, de protection des lanceurs d’alerte et de lutte contre l’évasion fiscale.
Toutefois, malgré ces avancées, elle manque l’occasion d’afficher par les pouvoirs publics un véritable volontarisme sur ces sujets essentiels pour renouer la confiance entre les citoyens et leurs élus. Le point sur les sujets centraux du texte Sapin 2 :
– Reporting Paradis Fiscaux :
Malgré notre mobilisation, le parlement n’a adopté qu’un reporting partiel, puisque les entreprises ne disposant que d’une filiale dans un pays n’auront pas à fournir les données concernant ce territoire. Il suffira donc aux multinationales de regrouper leurs filiales en une pour échapper aux obligations de transparence. Au vu de l’ambition unanime des Républicains, de supprimer entièrement le reporting paradis fiscaux de la loi, il faut saluer la volonté du parlement de préserver cette avancée, qui bien qu’insuffisante, constitue un progrès. Ce dispositif n’entrera en vigueur qu’avec la directive européenne, et les écologistes restent mobilisés, y compris au Parlement européen, pour renforcer la portée de ce dispositif essentiel de lutte contre l’évasion fiscale. Toutefois, un amendement permettra que les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat puissent rendre un avis sur tout nouvel arrêté visant à ajouter ou retirer un Etat sur la liste des paradis fiscaux.
– Encadrement du lobbying :
La création du répertoire des représentants d’intérêts est un progrès pour tracer les volontés d’influencer la décision publique, et plus particulièrement la construction de la loi. Nous aurions souhaité plus de transparence encore sur les rencontres des lobbyistes, mais l’élargissement du périmètre de ce répertoire à la Présidence de la République et aux membres du Conseil constitutionnel, introduit par le Parlement, constitue une avancée notable. De même, sous notre impulsion, les sanctions prononcées contre des lobbyistes ne respectant pas les nouvelles obligations découlant de la loi seront rendues publiques. Enfin, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), responsable de la tenue du répertoire numérique des représentants d’intérêts, pourra s’auto-saisir pour contrôler l’encadrement du lobbying. A noter également que l’HATVP recevra tous les six mois les bilans d’activité des lobbyistes, comprenant notamment les dépenses et les chiffres d’affaires associés à leurs activités.
– Protection des lanceurs d’alerte :
Le statut de lanceur d’alerte existait déjà en droit français, mais il restait à harmoniser ses différentes mentions dans différents textes juridiques et administratifs, tout en consolidant sa définition. Grâce aux députés, la définition précise de leur statut et de l’objet de leur alerte avec la mention de «l’intérêt général » est une véritable avancée au service de la démocratie. Le texte prévoit par exemple de protéger les individus qui dénonceront des pratiques indignes dans les abattoirs, pour faire suite aux récents scandales révélés par l’ONG L214 luttant pour la cause animale.
– Artisanat et qualification pour les petites entreprises :
Nous étions favorables à la suppression de l’article 43 de façon à ce qu’une qualification suffisante concerne tous les métiers de l’artisanat. Cependant, la réécriture par le Parlement de cet article 43, a permis, contre la volonté initiale du Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, de ne pas dérèglementer l’ensemble des professions artisanales. Néanmoins ne seront pas soumises à qualification certaines « activités multi-services » définies par décret : nous serons très vigilants quant au contenu de ce décret.
– Agriculture :
Les mesures restent trop timides. Les sanctions pour les entreprises de l’agroalimentaire qui ne publient pas leur compte se limitent à 2% du chiffre d’affaire, nous avions proposé 5%. Nous regrettons aussi le refus de mettre en place un coefficient multiplicateur pour la viande et le lait (cela existe pour les fruits et légumes) lors de crises, pour ajuster les prix entre le producteur et la vente au consommateur. Nous souhaitions que sur les étiquettes soient mentionné le prix qui a été payé à l’agriculteur pour ses produits. Néanmoins des avancées rééquilibrent le rapport de force en faveur des agriculteurs lors des négociations commerciales.
– Création de l’Agence anti-corruption :
Si nous regrettons que l’agence n’ait pas été créée sur le modèle d’une autorité administrative indépendante à même de garantir sa pleine indépendance, la création de ce service à compétence nationale est une avancée louable pour que la France rattrape son retard en la matière. Nos propositions pour encadrer l’indépendance des membres de l’agence ont cependant été reprises dans le texte final pour les obliger à déclarer leur patrimoine et leurs intérêts. L’agence devra prévenir les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.
-Encadrement du salaire des grands patrons :
L’Assemblée s’est saisie également du sujet, suite à la récente affaire de la rémunération de Carlos Ghosn. Désormais, le conseil d’administration d’une entreprise ne pourra plus passer outre l’avis de l’assemblée générale des actionnaires, qui votera préalablement pour valider les éléments de rémunérations des mandataires sociaux, y compris les avantages de toute nature liés à l’activité des présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués.
Malgré les insuffisances de la loi, les députés écologistes voteront en faveur de ce texte mardi 16 juin, enrichi par l’Assemblée, qui comporte des avancées sur des domaines chers aux écologistes : la lutte contre les lobbys, contre la corruption dans les pays étrangers qui fragilise encore un peu plus les pays pauvres, contre l’évasion fiscale qui érode l’assiette fiscale et nuit au consentement à l’impôt de nos concitoyens.
Laurence ABEILLE, Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Michèle BONNETON, Sergio CORONADO, Cécile DUFLOT, Noël MAMERE, Jean-Louis ROUMEGAS, Eva SAS.
Bravo pour la protection des lanceurs d’alerte ! Nous avons suivi ce débat avec anxiété, dans le cadre de nos aventures :
http://www.laveniravillejuif.fr/spip.php?article578
et nous avons salué les avancées de l’Assemblée Nationale :
http://www.laveniravillejuif.fr/spip.php?article594
Envoyez nous le texte première lecture, pour amélioration au Sénat 😉