Texte de la question
Mme Eva Sas alerte Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le processus de sélection en cours depuis plusieurs mois visant à la nomination d’un nouveau directeur du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP). Outre le problème que pose une candidature unique en soi, le candidat a et a eu des responsabilités qui, s’il était nommé à ce poste, risqueraient de le mettre en conflits d’intérêts. Par exemple, le candidat a exercé, jusqu’à récemment, des activités de consultant en tant que fondateur et vice-président d’une société de conseil qui, au dire de scientifiques et de l’association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) « produit et vend aux industriels des expertises ou articles « scientifiques » sur les questions de santé et risques sanitaires. Même s’il semble que le candidat ait arrêté cette activité, d’abord, il l’a exercé jusqu’à récemment et, de plus, il assistera tout de même un laboratoire pharmaceutique dans un procès à venir. En outre, il a publié un article dont les conclusions semblent contredire « toute la littérature scientifique » sur le sujet et qui, en revanche, suit la ligne de défense d’une entreprise dans un procès pour laquelle le candidat est employé en tant que consultant-expert. À tout le moins, cette nomination entraînerait de fait une suspicion sur l’ensemble des productions scientifiques du CESP et nuirait considérablement à l’image de cet organisme et, par ricochet, à l’image de ses tutelles. De nombreux professionnels et des associations de la société civile se sont d’ailleurs émus de cette situation. Dès lors, elle l’interroge sur ses intentions et ses moyens d’action pour s’assurer du processus de sélection de la personne qui sera nommée à ce poste de directeur du CESP, de façon à prévenir tout conflit d’intérêt possible.
Texte de la réponse
Le processus de sélection d’un nouveau directeur pour toute unité mixte de recherche (établissement public à caractère scientifique et technologique [EPST]/université), qualifiée de centre lorsqu’elles regroupent un nombre élevé d’équipes de recherche, obéit à des règles communes à toute la recherche publique. Les équipes souhaitant la création d’une nouvelle UMR[unité mixte de recherche] (ou le renouvellement d’une UMR existante) pour une durée correspondant au contrat quinquennal de leur université de rattachement, déposent leur projet et choisissent, en toute liberté, la personnalité qui sera, comme candidat directeur, porteuse de ce projet. Le projet est ensuite évalué par une autorité indépendante, l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) appelée à se transformer avec le haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, puis examiné, sur cette base, par les instances scientifiques des EPST et des universités concernées par la demande. A l’issue de ce processus d’évaluation, les directions respectives des tutelles sollicitées procèdent (ou non) à la création de la structure et désignent conjointement son directeur pour un mandat de cinq ans. Le bon fonctionnement de la recherche publique nécessite que ces procédures d’évaluation soient protégées de toute interférence extérieure de quelque nature qu’elle soit. Dans le cas particulier du centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP), basé notamment sur le site de Villejuif, du Kremlin Bicêtre et de l’institut Gustave Roussy, ce processus vient à peine de commencer puisque la visite d’évaluation sous l’égide de l’AERES s’est déroulée les 5 et 6 février derniers. La question de Madame la Députée (suite à certains articles de presse) fait référence au fait que les équipes de ce centre (historiquement le plus important en France en matière de recherches en épidémiologie) ont souhaité rechercher un candidat directeur pour porter leur nouveau projet (2015-19) par un appel à candidatures international. Ce choix qui se justifie pleinement du fait de rayonnement international de ce centre est tout à l’honneur des équipes concernées. Pour gérer cet appel international, le CESP en a confié la conduite à un comité indépendant et comprenant des experts internationaux et nationaux reconnus. Ce comité a présélectionné les candidats et auditionné les deux qui lui paraissaient les plus intéressantes, et il a en définitive conseillé aux équipes du CESP de retenir une des candidatures. Toutes les équipes qui s’inscrivent dans le projet de renouvellement du CESP se sont engagées à ses côtés, ainsi que le conseil scientifique consultatif du centre qui compte également des experts européens de haut niveau. A ce stade, le ministère, ainsi que l’Inserm [institut national de la santé et de la recherche médicale], l’université Paris Sud et l’université Versailles Saint-Quentin, tutelles de ce centre de recherche, n’ont en rien interagi avec ce processus et n’ont pris aucune décision quant à la nomination du futur directeur qui ne peut intervenir qu’à l’issue des différentes phases d’évaluation décrites plus haut. Le seul engagement pris par les tutelles a consisté à garantir de trouver une solution appropriée dans l’hypothèse où le directeur du centre sélectionné à l’issue du processus viendrait de l’étranger et ne disposerait pas déjà d’un poste statutaire en France (cet engagement est logiquement indispensable dès lors qu’il s’agit d’attirer dans notre pays des personnalités scientifiques internationales). De plus, le comité indépendant qui avait examiné la candidature retenue avait attiré l’attention des équipes du CESP et des tutelles sur le fait qu’au-delà de sa valeur scientifique, le candidat présentait des liens d’intérêt avec des structures de consultation privée en épidémiologie et avec le secteur privé à but lucratif, lesquels seraient incompatibles avec la responsabilité d’un centre comme le CESP, et que son éventuelle nomination à la direction de ce centre impliquerait qu’il s’engage à renoncer à toutes les activités de ce type. La position élaborée sur ce sujet par le comité d’experts de l’institut de santé publique de l’alliance des sciences de la vie postule en effet que du fait de l’implication directe de leurs résultats pour la politique de santé, les responsables d’unités de recherche du domaine doivent non seulement respecter les obligations que leur impose de toute façon leur appartenance à la fonction publique (autorisation de cumuls de revenus, déclaration exhaustive des liens d’intérêt pour toute participation à des instances d’évaluation scientifique ou d’expertise des agences sanitaires, etc.. . ) mais s’abstenir de tout lien financier personnel avec le secteur privé à but lucratif et s’engager à faire gérer tout lien d’intérêt contractuel par l’intermédiaire de leurs organismes de tutelle. Récemment, le candidat retenu a souhaité retirer sa candidature. En tout état de cause, ce retrait n’a pas empêché l’initialisation par l’AERES du processus d’évaluation du projet de renouvellement du CESP. Les équipes de recherche concernées souhaitent lancer un nouvel appel à candidatures international pour la direction du CESP selon la même procédure. Les tutelles apprécieront, sur la base des éléments transmis par les évaluations et par les candidats susceptibles d’être retenus, la question des conflits d’intérêt, en amont de leur décision finale.