3 enjeux pour la réforme bancaire : la séparation, l’interdiction, et la transparence
Intervention d’Eva Sas dans la discussion générale sur la réforme bancaire.
Madame la présidente,
Monsieur le ministre,
Madame la rapporteure,
Mes chers collègues,
La crise financière de 2008 a révélé au grand jour les prises de risque inconsidérées du monde bancaire : contrôles internes insuffisants, titrisation des crédits sous forme de produits complexes favorisant la propagation des crises, confiance disproportionnée accordée à des modèles mathématiques défaillants, c’est au final les dessous d’un « capitalisme de casino » comme disait John Monks, que nous avons découvert.
____
Selon un récent sondage, 71% des français estiment que les banquiers n’ont pas tiré les leçons de la crise. Et 84 % d’entre eux seraient favorable à une séparation réelle au sein des banques entre les activités de détail et les activités de marché.
Il nous revient dès lors, d’accomplir la mission que les citoyens nous ont confiée : prévenir une nouvelle crise financière et remettre la finance au service de l’économie. Les Français, à raison, n’accepteront pas une seconde fois, d’accorder comme en 2008, 100 milliards de prêts et apports en fonds propres aux banques défaillantes. Vous nous direz que les excès sont derrière nous. En réponse, je voudrais simplement rappeler que sur les 8000 milliards de bilans cumulés des banques françaises, seuls 22 % sont consacrés à l’économie réelle sous forme de prêts aux entreprises ou aux ménages. Le défi est donc, bien au contraire, encore devant nous.
Il y a à mon sens 3 enjeux dans cette réforme : la séparation, l’interdiction, et la transparence.
– La séparation pour cantonner les activités spéculatives et éviter le risque de contagion aux dépôts des citoyens,
– l’interdiction des activités les plus néfastes,
– et la transparence, pour lutter contre l’évasion fiscale.
Concernant la séparation des activités spéculatives, nous avons été inquiets comme d’autres, d’entendre Frédéric Oudéa admettre que les activités filialisées ne représenteraient qu’entre 0,75 et 1,5 % des activités globales de son groupe bancaire. Des améliorations ont été apportés en commission, par Laurent Baumel d’abord, concernant la définition des activités de tenue de marché pouvant être considérées comme utiles, et par Karine Berger ensuite, ouvrant la faculté, mais aussi je le disais en commission, la responsabilité pour le ministre de l’économie de cantonner un pourcentage de la tenue de marché pour prévenir les risques d’une nouvelle crise bancaire. Ce sont deux avancées qu’il faut saluer à leur juste mesure. Reste à aller plus loin ensemble, notamment sur les prêts aux hedge funds, ou sur une véritable séparation, qui nous aurait paru préférable à une simple filialisation.
Concernant l’interdiction de certaines pratiques spéculatives, nous serons attentifs aux améliorations qui pourront être apportées à ce texte concernant la spéculation sur les matières premières et le trading haute fréquence. Puisque dans la version actuelle, 90 % du trading haute fréquence reste autorisé. Cela reste incontestablement l’un des enjeux à adresser.
Enfin, la transparence. L’amendement que nous avons porté, avec nos collègues socialistes, contraint les banques pour la première fois, à établir un reporting pays par pays de leur produit net bancaire et de leurs effectifs. Il permettra de mettre en lumière l’activité réelle de l’activité bancaire dans certains paradis fiscaux. C’est là aussi une avancée certaine. Nous pensons néanmoins souhaitable et possible d’étendre ce reporting au montant des bénéfices réalisés et à celui des impôts payés dans chaque pays. Ces informations permettront de mettre en évidence l’optimisation fiscale des banques elles-mêmes.
Les groupes bancaires restent hostiles à ce reporting. Et pour cause, les banques françaises possèdent au total 150 filiales de premier rang dans les paradis fiscaux. Elles objectent que cela risquerait d’attirer d’autres banques sur ces marchés rentables. Est-il crédible d’avancer qu’un concurrent puisse découvrir grâce à un tel rapport que telle ou telle implantation est profitable? En fait, nous n’avons, à ce jour, entendu aucun argument sérieux contre un tel reporting. La BNP elle-meme, publie le bénéfice net de ses filiales étrangères. Il nous semble dès lors possible de continuer à travailler ensemble dans ce sens pour établir une véritable transparence sur l’activité des banques, et sur leur stratégie fiscale.
Pour conclure, Monsieur le Ministre, Chers Collègues, vous l’avez souvent dit, « Cette réforme fait de la France, la pionnière en Europe en matière de séparation des activités bancaires ». C’est une fierté, mais c’est aussi une responsabilité. Le président de la Commission des Finances Belge que nous recevions la semaine derniere, nous indiquait que la réforme française allait servir d’étiage à la réforme prévue dans son propre pays. D’une certaine manière, l’Europe nous regarde et les Européens nous attendent. Soyons à la hauteur de cette attente. Construisons ensemble une réforme ambitieuse. Construisons-là ensemble, dans la dynamique d’ouverture et de rassemblement que vous avez mise en œuvre jusque là sur ce texte, et que je veux saluer ici.
Je vous remercie