Explication de vote d’Eva Sas sur le Projet de Loi de finances rectificative 2012
Madame la présidente,
Monsieur le ministre,
Monsieur le rapporteur général,
Mes chers collègues,
Le texte que nous votons aujourd’hui aurait du faire, à notre sens, l’objet de deux lois distinctes :
En effet, il s’agit à la fois d’un Projet de Loi de finances rectificative, entérinant les modifications du budget 2012 rendues nécessaires par la réalité de son exécution.
Mais vous introduisez aussi dans ce PLFR 2012, par voie d’amendements, des mesures qui ne concernent en rien ce collectif budgétaire de fin d’année. Le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi et l’augmentation de TVA qui le financent constituent en effet un acte de politique économique majeure, engageant 2014 et les années suivantes. Et là-dessus, tant sur la forme que sur le fond, nous ne pouvons vous suivre.
Sur la forme, vous amenez par voie d’amendement une réforme qui – au regard des montants qu’elle implique – sera l’une des mesures décisives de ce quinquennat. Si cette mesure avait fait l’objet d’un projet de loi, la représentation nationale aurait pu être éclairée par une étude d’impact, et aurait pu ainsi évaluer les incidences économiques, financières, sociales et environnementales d’une telle réforme. Ce n’est aujourd’hui pas le cas.
Sur le fond, nous allons voter là une dépense fiscale de 20 milliards d’euros. Cet acte engage toute la mandature, et obère toutes les possibilités d’introduire de nouvelles réformes en matière économique. Pour être claire, nous n’aurons pas une deuxième fois 20 milliards d’euros à engager pour une politique économique dans cette mandature.
Or, vous accordez ces 20 milliards aux entreprises sans aucun ciblage ni condition. Tous les emplois sont concernés alors que seuls 20% d’entre eux sont soumis à la concurrence internationale. Ne sont ciblées ni les entreprises en difficultés, ni les TPE, ni les ETI. Enfin, vous ne cherchez pas à orienter l’économie pour lui permettre de faire face aux enjeux économiques et environnementaux.
Vous espérez créer entre 300 et 400 000 emplois grâce à ce « pacte ». Dans l’hypothèse la plus optimiste, le coût pour la collectivité serait donc de 50 000 euros par emploi créé. Ce coût exorbitant est malheureusement dans la moyenne des politiques de l’offre couteuses, inefficaces, non ciblées, mises en œuvre par les gouvernements successifs. Et pourtant l’erreur est en passe d’être renouvelée.
Vous nous présentez cette aide fiscale de 20 milliards d’euros sous le nom de « pacte de compétitivité ». Mais de « pacte », cette mesure n’en a que le nom, puisqu’en lieu et place du donnant-donnant que supposerait un pacte, nous n’avons là qu’un dispositif de soutien inconditionné aux entreprises : 20 milliards distribuées sans contrepartie.
Cette aide d’un montant exceptionnel aurait pu et aurait du être mise au service d’une volonté politique, d’une vision économique. Pour cela, il eut fallu donner trois axes à ce crédit d’impôt compétitivité.
Le premier axe aurait été de concentrer les aides sur les entreprises en difficultés.
La deuxième priorité aurait du être de pallier les faiblesses connues de l’industrie française, qui relèvent en grande partie de la compétitivité hors coût et qui tiennent notamment au faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire – 4600 en France contre 10 000 en Allemagne-, ou au positionnement sur des secteurs peu porteurs. La montée en gamme de l’industrie française, le soutien à l’investissement, le financement de la croissance des PME, sont les vraies réponses à apporter au problème de compétitivité de l’industrie française.
Le troisième axe aurait du être de préparer l’économie de demain, de mettre ce Crédit d’Impôt au service d’une vision, au service du modèle économique du XXIème siècle. Celui qui nous permettra de faire face à la rareté de la ressource, aux pertes d’emplois continues dans l’industrie, à la concurrence des pays à bas coûts. Un modèle économique plus économe en ressources, plus localisé, plus riche en emplois. Pour cela, il eut fallu soutenir les secteurs d’avenir, et en particulier celui des énergies renouvelables, et engager l’ensemble des entreprises dans une démarche d’économie des ressources.
Au lieu de servir cette ambition, vous allez mettre en œuvre une aide indifférenciée qui bénéficiera aux entreprises florissantes, aux groupes bancaires, à la grande distribution, aux entreprises sous LBO, …. Un effet d’aubaine difficile à justifier, d’autant qu’il sera financé par une augmentation de la TVA qui pèsera lourdement sur le budget des ménages. Absence de ciblage, absence de contreparties demandées aux entreprises, le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi risque ainsi de devenir la plus formidable occasion manquée de la mandature.
Nous sommes donc en désaccord profond avec le tournant qui est pris dans la politique économique de la France. Nous voterons malgré tout ce PLFR par esprit de responsabilité. Car nous pensons que dans la situation dramatique dans laquelle la France et l’Europe se trouvent, il ne serait pas compréhensible d’ajouter une crise gouvernementale à la crise économique.
Mais nous espérons que cette mesure pourra être amendée, que des contreparties pourront être demandées, qu’un ciblage pourra être envisagé, dans la ligne des amendements qui ont été courageusement portés par le groupe socialiste.
Je vous remercie.
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