« Je revendique mon droit à la maternité », Le parisien, 8 juillet 2013

Retrouvez l’article du Parisien revenant sur les amendements déposés par Eva Sas concernant la création d’un congé maternité pour les députées.

 

Eva Sas, députée EELV de l’Essonne, milite pour que les parlementaires enceintes, comme elle, puissent se faire remplacer durant leur congé.

Une petite marche de cinq minutes dans les rues de Juvisy-sur-Orge. Et Eva Sas est essoufflée. En novembre, la députée Europe Ecologie-les Verts de la septième circonscription de l’Essonne (Savigny, Juvisy, Viry, Athis, Paray) doit accoucher de son troisième enfant. La parlementaire de 42 ans a soumis en fin de semaine dernière deux amendements dans le cadre de l’examen de la loi sur le non-cumul des mandats. Leur but? Permettre aux députées de se faire remplacer par leur suppléant pendant leurs congés maternité et parental. Propositions retoquées à l’Assemblée car la Constitution ne prévoit pour l’heure qu’un seul motif de remplacement provisoire pour un parlementaire : une nomination au gouvernement.

Pourquoi avoir déposé ces amendements?
ÉVA SAS.
L’histoire personnelle mène aux combats politiques. Quand je suis tombée enceinte, je me suis renseignée auprès de mes collègues qui avaient eu un bébé et j’ai appris que rien n’était prévu pour se faire remplacer par son suppléant pendant un congé maternité. J’ai voulu ainsi envoyer un message aux députées qui ont un enfant, ou qui en veulent un mais qui n’osent pas car cela est mal vu. Même si ce ne sont que des cas exceptionnels puisque il n’y a que 25% de femmes à l’Assemblée et la moyenne d’âge est de 60 ans (NDLR : en réalité 55).

Et pour les mandats locaux?
Le problème est identique. Je vais rédiger une question écrite à Najat Vallaud-Belkacem (NDLR : ministre des Droits des femmes). Elle sera sensible au sujet et si elle peut faire évoluer les choses au niveau local, ce sera déjà ça.

Que cela révèle-t-il à vos yeux?
D’une part, en France, si un parlementaire est absent plusieurs mois, ce n’est pas grave. Je veux des élus qui ont des droits et des devoirs. Les institutions ont vieilli et les concitoyens acceptent de moins en moins la Constitution. D’autre part, les institutions sont faites pour les hommes. Il faudrait amorcer un changement de mentalité. Les femmes ont voulu prouver qu’elles savaient faire comme des hommes en se calant sur le modèle du politique vieille génération, à savoir un superman sans vie personnelle et familiale. Le combat d’aujourd’hui est de montrer qu’on peut faire de la politique comme des femmes. J’ai deux enfants et je suis totalement engagée dans mon mandat. Je revendique mon droit à la maternité.

Comment conciliez-vous vies familiale et politique?
Globalement j’y arrive, mais j’ai quelques difficultés avec les séances de nuit. La vie politique demande une grande disponibilité et une souplesse pas toujours compatibles avec des enfants. Les miens me font des réflexions et me demandent quand j’arrêterai d’être élue. J’ai emmené ma fille à l’Assemblée qui m’a dit : « En fait ton métier, c’est de lever la main (NDLR : en référence au vote à main levée). »

Continuerez-vous jusqu’aux derniers jours de votre grossesse?
Non, je ne veux pas jouer les Rachida Dati (NDLR : qui avait repris ses activités de ministre cinq jours après son accouchement). Je ferai en fonction de mes capacités physiques. J’allégerai au maximum sur la fin en n’allant qu’aux commissions importantes et je maintiendrai mes permanences tant que je pourrai. Les citoyens le comprennent. Certains m’ont même fait part de leur étonnement sur l’impossibilité de se faire remplacer. Ils trouvent cela discriminant. Par ailleurs, quand mon enfant sera né, je ne l’emmènerai pas partout car ce n’est pas souhaitable pour eux. Ils ont besoin d’un environnement stable.

Comment allez-vous organiser votre absence?
J’ai le droit à vingt-six semaines mais je ne vais pas tout prendre car je ne peux pas laisser ma mandature six mois. Mais pendant un bon mois et demi, je ne serai pas là. J’ai des collaborateurs, je peux donner mon pouvoir pour les votes et pour ma commission (NDLR : des Finances, dont elle est vice-présidente), je peux envoyer quelqu’un d’une autre commission.

 

Un commentaire pour “« Je revendique mon droit à la maternité », Le parisien, 8 juillet 2013”

  1. Bonjour Eva,
    Comme je pratique le droit de la santé, je comprends qu’il y a 3 questions autour du congé maternité:
    – droit à s’absenter de son travail, ET droit aux indemnités journalières de Sécurité Sociale: je rappelle pour les lecteurs de ce blog qu’en cas de 1ere ou 2de grossesse, le droit est en principe de 16 semaines soit 4 mois (6 semaines avant puis 10 semaines après l’accouchement), et en cas de 3ème grossesse, qui te concerne: 26 semaines soit 6 mois.
    D’après ce que j’ai compris du statut de député, il n’y a pas de régime particulier pour les absences, l’indemnité de mandat t’étant versée.

    – droit à etre remplacée pendant son absence: pour une salariée: il y a obligation pour l’employeur de la décharger de ses responsabilités pendant la duree de l’absence, et d’organiser la cotinuité du service. L’employeur qui ne prendrait pas de mesures pourrait se voir reprocher un harcèlement moral.
    Donc, de meme qu’une salariée est remplacée, je comprends que tu souhaites que tes fonctions soient « suspendues », et exercées par ton suppléant, le temps du congé maternité.

    Aussi je souhaite savoir si il est envisageable de proposer une révision constitutionnelle concernant la maternité et la maladie (par exemple pour une ITT d’au moins 3 mois)? Cela pourrai permettre à tous tes collègues de se sentir concernés…

    Meilleures salutations.
    Sophie

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