Débat sur les infrastructures de transport

Intervention d’Eva Sas jeudi 28 février

Madame la présidente,

Monsieur le ministre,

Chers collègues,

La France s’est engagée, dans le cadre de l’adoption du paquet énergie climat européen de décembre 2008, à réduire de 14 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 2005 et 2020.

Pour respecter ces engagements internationaux, la loi Grenelle 1 énonçait que, je cite, « la politique des transports contribue au développement durable et au respect des engagements internationaux de la France en matière d’émission de gaz à effet de serre et d’autres polluants ». Car il faut rappeler ici que le secteur des transports représente 26.3% des émissions de gaz à effet de serre, et est le premier secteur contribuant aux émissions. C’est pourquoi, la France s’est fixée comme objectif de réduire, dans le domaine des transports, les émissions de gaz à effet de serre pour les ramener d’ici à 2020 au niveau qu’elles avaient atteint en 1990.

Or, nous n’en prenons pas le chemin. En effet, les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ont augmenté de 13 % entre 1990 et 2010 et la courbe ne semble pas s’infléchir. Il est donc grand temps d’agir avec courage, ambition et détermination. Notre majorité ne peut se fixer des objectifs inférieurs à ceux affichés par le Grenelle de l’environnement.

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La politique d’infrastructures de transports doit donc répondre à cette ambition de lutte contre le dérèglement climatique. Mais elle doit aussi s’inscrire dans un souci constant et aigu d’efficacité de la dépense publique, dans le contexte actuel de tension budgétaire.

Pour servir ces deux objectifs, 3 priorités doivent être, à notre sens, au cœur de la politique d’infrastructures de transport :

  • La priorité au ferroviaire sur la route.

  • La priorité à la mobilité du quotidien

  • La priorité au renouvellement et à la modernisation des réseaux existants

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La priorité au ferroviaire sur la route a été clairement inscrite dans la loi Grenelle pour, je cite, « diminuer l’utilisation des hydrocarbures, réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions atmosphériques et autres nuisances et d’accroitre l’efficacité énergétique, en organisant un système de transports intégré et multimodal privilégiant les transports ferroviaires, maritimes et fluviaux dans leur domaine de pertinence, tout en limitant la consommation des espaces agricoles et naturels. »

Hélas, peu de choses ont été mises en œuvre et pour prendre l’exemple du transport de marchandises, la part du trafic routier a continué à progresser, passant de 76.5% en 1990 à 89.1% en 2010. Certes, on aura constaté un léger infléchissement à 88.3% en 2011, mais il est clair que notre pays n’a pas encore enclenché la dynamique qui nous permettrait d’atteindre ces objectifs.

Pire encore, nous voyons refleurir ça et là, des projets de contournement autoroutier, voire même de nouvelles autoroutes, comme l’A45 entre Lyon et Saint-Etienne, ou l’A51. Vous le savez, M. le ministre, toute nouvelle infrastructure routiere créera du trafic supplémentaire.

Alors la question que je souhaiterais vous poser M. le Ministre, c’est si la France a abandonné son ambition de report modal du routier vers le ferroviaire, ou si elle la maintient ? Et si c’est le cas, pensez-vous que ces projets d’infrastructures routières sont compatibles avec cette ambition?

Le deuxième axe de notre politique d’infrastructures de transports, cela doit être la priorité à la mobilité du quotidien.

Cette priorité a été réaffirmée à plusieurs reprises par le Président de la République. Or, nous savons que certains investissements indispensables pour la qualité des déplacements quotidiens de nos concitoyens, comme la rénovation du réseau RER en Ile de France ne sont aujourd’hui pas financés. Il manque 800 millions d’euros pour financer les schémas directeurs des RER B, C et D; et 3 à 5 milliards pour l’ensemble des transports en Ile-de-France. Et ce alors même que le gouvernement vient de s’engager sur de grands projets incroyablement couteux, comme Notre-Dame-des Landes, ou pire encore, le Lyon-Turin dont la Cour des Comptes a pointé récemment le coût, qui devrait dépasser les 26 milliards d’euros. Ce projet, à lui seul, obererait toutes les capacités de financement de l’Etat pour les infrastructures de transport sur plusieurs années. Nous vous demandons, Monsieur le ministre, de clarifier la position du gouvernement sur ce point, la priorité est-elle réellement à la mobilité du quotidien ? Et si oui, ne faut-il pas réorienter les financements vers ces modes de transports essentiels à la qualité de vie des Français ?

Enfin, la troisième priorité sur laquelle je voudrais insister, c’est celle à donner au renouvellement et à la modernisation de l’existant par rapport aux nouveau projets. Les conclusions des Assises du ferroviaire mettaient en évidence la vétusté des réseaux et la nécessité absolue de réinvestir dans la régénération de l’existant. Cela est vrai aussi pour d’autres modes de transport.

De surcroit, pour de nombreux grands projets, notamment les lignes à grande vitesse, nous pouvons atteindre quasiment le même niveau de service en modernisant les lignes existantes, et ce pour un coût cinq à dix fois inférieur, et un impact environnemental beaucoup plus faible. L’argent public est rare, et la dépense doit donc être optimisée. La modernisation des lignes existantes est souvent l’alternative la plus viable, et il faut donc clairement la privilégier.

Monsieur le ministre, pour résumer, j’aimerais donc vous demander si vous partagez les trois priorités que j’ai énoncées : priorité au ferroviaire sur la route, priorité à la mobilité du quotidien sur les grands projets, et priorité à la modernisation des réseaux existants. Et les mettrez-vous en œuvre dans les choix de financement de projets que vous allez faire prochainement ?

Je vous remercie.

5 commentaires pour “Débat sur les infrastructures de transport”

  1. Tout a fait d’accord sur ces priorités mais il faudrait aussi que l’Etat soit a la hauteur. Et cela passe par une clarification sur les futurs contrats de projet, qui ont permis entre 2007 et 2013 de rattraper en partie notre retard sur les infras. Aujourd’hui tous les projets lances pour améliorer la mobilité au quotidien, et qui doivent se concrétiser dans les prochains CPER sont bloqués. Et comme l’Etat ne pourra les financer seuls,il faudra bien que les régions, voire les départements et les agglos contribuent.
    JC Alberigo

  2. Bravo, cela fait plaisir d’avoir une porte-parole à l’assemblée qui, avec talent, retranscrit si bien ce que l’on essaye de construire sur les territoires.

  3. A côté des GES il faut parler davantage de pollution et de santé publique, on a des arguments suffisants pour cela: coût social, mort anticipées et augmentées

  4. Je partage l’avis de mon collègue Jean-Charles.
    La formulation est excellente, mais sera-t-elle entendue ?
    Il va falloir maintenant mettre le turbot pour faire échec, à l’assemblée, au projet de loi sur le Lyon-Turin.
    La coordination contre ce projet est très active depuis un an et a produit beaucoup de documents qui montre la vraie nature de ce projet : faciliter le développement des camions et réaliser un chiffre d’affaires de plus de 26 Milliards exclusivement sur le dos des contribuables.
    Bravo pour toutes tes actions.
    Noël Communod, membre actif de la coordination

  5. Bravo pour cette intervention qui dit l’essentiel sur la manière dont il faut arbitrer entre priorités au niveau national et européen. Je soutiens le commentaire de Mariette Gerber afin d’insister sur les enjeux écologiques et sanitaires: c’est particulièrement opportun avec les débats actuels sur le diesel (qu’il faut prendre aussi en considération pour la traction ferroviaire alors que l’on voit des motrices diesel circuler sur des lignes électrifiées), il faut dénoncer haut et fort les propos d’ Arnaud Montebourg prêt à sacrifier au « made en France » de coûteux et dramatiques enjeux de santé publique liés aux particules fines (la ministre de l’écologie a elle-même souligné que les nouveaux filtres et motorisations ne suffisaient pas à résoudre ce problème); par contre, en mesure immédiate pour réduire les rejets de particules fines, inciter et contraindre à l’installation de filtres efficaces sur un parc automobile un peu ancien qui garde toute sa valeur d’usage (les moteurs diesel ont la vie longue) semblerait plus pertinent dans une logique de développement soutenable que la mise prématurée à la casse, et générerait de l’emploi au niveau de la production, de l’installation et éventuellement la maintenance de ces filtres, à condition que leur efficacité soit plus fiable que les données fournies par les constructeurs sur les rejets de CO2…

    Participant aux travaux de la Coordination Régionale Interassociative de la Ligne Nouvelle Montpellier Perpignan, je souligne que cette ligne nouvelle que nous voulons polyvalente et non au service de la très grande vitesse, assurant le raccord entre les réseaux modernisés de la péninsule ibérique et les réseaux européens y compris grande vitesse, est une nécessité pour le report modal d’un très gros trafic de fret de la route vers le rail et pour un fort développement de la mobilité ferroviaire au quotidien en particulier sur un long couloir littoral, d’autant qu’une part de la ligne actuelle est exposée aux risques de perturbation par submersions et embruns maritimes ce qui la rend peu fiable pour l’accroissement de trafic fret que voudraient lui faire subir les partisans d’une jonction Narbonne Perpignan seulement pour la très grande vitesse voyageurs (avec d’ailleurs des prévisions de trafic trois fois inférieures au seuil du retour sur investissement dans les prochaines décennies).

    Merci en tout cas de votre travail et de votre écoute.

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